Le règlement de la succession

Avec ou sans notaire ?

Avec ou sans notaire ?

Le recours au notaire est indispensable dans les cas suivants :

  • le défunt avait fait un testament ;
  • le défunt avait fait un contrat de mariage ;
  • le défunt avait consenti une ou plusieurs donations, y compris une donation au dernier vivant à son conjoint ;
  • le défunt possédait un ou plusieurs immeubles.

Dans les autres cas, la succession peut en théorie être directement réglée par les héritiers. En pratique, il est difficile de se passer d'un notaire, sauf pour des successions qui ne posent aucune difficulté (succession de faible montant avec un seul héritier, par exemple).

Que fait le notaire ?

Selon la situation et en fonction de ce qui lui est demandé, le notaire :

  • recherche et identifie les héritiers ;
  • informe les héritiers de leurs droits et obligations ;
  • vérifie s'il a été fait un testament ou une donation au dernier vivant (notamment, en interrogeant le Fichier central des dispositions des dernières volontés) ;
  • rédige les actes et attestations qui vont permettre aux héritiers de justifier de leurs droits sur l'héritage. Ces documents (acte de notoriété, attestation immobilière, etc.) sont détaillés un peu plus loin ;
  • liquide le régime matrimonial du défunt, de façon à distinguer la part des biens qui revient à la succession de celle qui revient au veuf ou à la veuve par l'effet du régime matrimonial ;
  • évalue la succession ;
  • rédige la déclaration nécessaire au paiement des droits de succession auprès de l'administration fiscale. Cette déclaration, dont l'établissement donne lieu à une rémunération spécifique, est étudiée dans la dernière partie de ce dossier avec les aspects purement fiscaux du règlement de la succession ;
  • organise l'indivision entre les héritiers ;
  • procède au partage des biens entre les héritiers.

Savoir

Le choix du notaire est libre. Tous appliquent les mêmes tarifs. Si plusieurs notaires sont chargés de régler la succession, seul celui qui établit les actes perçoit les honoraires, de telle sorte que le coût global ne sera pas plus élevé. Les autres notaires pourront seulement demander aux héritiers qu'ils assistent une rémunération supplémentaire pour les travaux non spécialement tarifés (par exemple, déplacement à domicile, consultation, etc.).

Si les héritiers sont introuvables

Si le notaire chargé du règlement d'une succession ne retrouve pas les héritiers, il peut charger un généalogiste successoral de les rechercher.

S'il retrouve des héritiers, le généalogiste leur proposera la signature d'un contrat de révélation de succession, moyennant un pourcentage sur ce qui leur revient (pourcentage variable selon le degré de parenté avec le défunt et l'importance de la succession). Bien que la rémunération ainsi versée au généalogiste soit élevée, le contrat de révélation est toujours intéressant pour l'héritier :

  • sans l'intervention du généalogiste, l'héritier n'aurait jamais eu connaissance de l'héritage et n'aurait donc pas hérité (c'est la condition de la validité du contrat) ;
  • si le défunt a laissé plus de dettes que de biens, l'héritier n'aura pas à payer ces dettes ;
  • si un testament est ultérieurement découvert, c'est le généalogiste qui supportera seul les frais déjà engagés.

Le pire qui puisse donc arriver est que l'héritier ne reçoive rien.

On signalera que le juge peut réduire la rémunération du généalogiste si elle apparaît exagérée au regard du service rendu (Cass. 1e  civ. 6-6-2012 no  11-10.052 : BPAT 4/12 inf. 223).

S'il y a eu un testament

Le notaire ouvre le testament, le lit et en explique le contenu aux héritiers et aux légataires. Il explique également à chacun les formalités qu'il devra accomplir pour pouvoir entrer en possession de ses biens. Enfin, il rappelle les différentes possibilités d'option, chacun étant libre d'accepter ou de ne pas accepter la succession.

Aucun honoraire n'est dû au notaire à cette occasion.

En présence d'un testament olographe, il faudra quand même payer un honoraire forfaitaire de 27,30 € hors TVA pour le procès-verbal d'ouverture et de description du testament (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau I no  86 B), dont l'établissement est obligatoire. Ce procès-verbal, qui explique les circonstances du dépôt du testament chez le notaire et décrit l'état du document, est adressé au greffe du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession.

Ajoutons que si le testateur avait confié la garde de son testament à un notaire, ce dernier aura droit au décès à un honoraire forfaitaire de 27,30 € hors TVA (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau I no  86 A). Cet honoraire s'ajoute, le cas échéant, à celui dû pour le procès-verbal d'ouverture et de description.

Les documents à fournir au notaire

Pour régler une succession, le notaire a besoin de nombreux renseignements. Voici une liste indicative des principaux documents qu'il va demander. Cette liste sera bien sûr aménagée par le notaire en fonction de la situation : qualité et nombre des héritiers, existence de légataires, composition du patrimoine du défunt, etc.

Renseignements concernant le défunt
  • Extraits de l'acte de décès
  • Livret de famille (le cas échéant, livrets de famille des mariages précédents)
  • Jugement de séparation de corps ou de divorce
  • Contrat de mariage ou convention de Pacs
  • Testament
  • Donations consenties par le défunt (copies des actes pour les donations notariées et photocopies pour les déclarations de dons manuels)
  • Donation au dernier vivant
  • Si le défunt était marié sous un régime communautaire, tous les documents nécessaires à la liquidation de la communauté : copie des actes de donation ou de succession que lui et son conjoint ont pu recueillir, copie des actes de remploi, liste des travaux qui ont pu être accomplis sur les biens propres, etc.
Renseignements concernant les héritiers et légataires
  • Livret de famille
  • Contrat de mariage
Renseignements concernant les biens
  • Liste des comptes bancaires (relevés d'identité bancaire et derniers relevés des comptes-chèques bancaires)
  • Livrets de caisse d'épargne et autres livrets du défunt et de son conjoint
  • Liste des valeurs mobilières
  • Coordonnées des prestataires de services d'investissement ou des sociétés de gestion de portefeuille
  • Liste des coffres-forts loués
  • Dernier avis d'impôt sur le revenu
  • Contrats d'assurance-vie
  • Titres de propriété des immeubles avec, le cas échéant, les contrats de location de ces immeubles
  • Carte grise des véhicules
  • Références des organismes qui versent des pensions ou retraites
  • Tous renseignements permettant d'identifier et d'évaluer le mobilier (bijoux, objets d'art, chevaux, etc.), par exemple polices d'assurance
Renseignements concernant les dettes
  • Facture des frais funéraires
  • Avis d'impôts non encore payés
  • Copies des actes d'emprunt et état des remboursements
  • Justificatifs pour chaque dette (factures non encore payées, reconnaissances de dettes, etc.)
Comment prouver sa qualité d'héritier ?

La preuve de la qualité d'héritier ou de légataire est libre et peut théoriquement être apportée par tous moyens (C. civ. art. 730). En pratique, deux actes issus de la pratique notariale sont principalement utilisés : l'acte de notoriété (le plus répandu) et l'intitulé d'inventaire (devenu exceptionnel). A partir de ces deux actes, on peut obtenir d'autres documents qui permettent de se voir attribuer les biens dont on se prétend propriétaire : le certificat de propriété (essentiellement pour les valeurs mobilières) et l'attestation immobilière (pour les immeubles). Dans les situations où les intérêts en jeu sont de faible importance, il est parfois suppléé à l'acte de notoriété (ou l'intitulé d'inventaire) par un certificat d'hérédité, voire, depuis le 15 mai 2015, par une simple attestation des héritiers.

Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, la preuve de la qualité d'héritier se fait également par un certificat d'héritier qui est délivré par le juge (C. civ. local art. 2368).

L'acte de notoriété

L'acte de notoriété est pratiquement toujours nécessaire. Il est établi par le notaire à la demande d'un ou de plusieurs ayants droit du défunt (héritiers ou légataires), moyennant un honoraire forfaitaire de 58,50 € hors TVA auquel peuvent s'ajouter des émoluments de formalités pour indemniser le notaire des frais exposés (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau I no  59 A). Un droit fixe de 25 € est perçu en plus, pour le compte du Trésor public.

L'acte de notoriété contient l'affirmation, signée par le ou les auteurs de la demande, qu'ils ont vocation (seuls ou avec d'autres personnes qu'ils désignent) à recueillir tout ou partie de la succession. Cette affirmation fait foi jusqu'à preuve contraire, son auteur étant présumé avoir des droits successoraux à proportion de ce qui est indiqué dans l'acte. Mais l'affirmation ne vaut pas par elle-même acceptation de la succession (C. civ. art. 730-2 et C. civ.730-3).

L'acte de notoriété vise l'acte de décès du défunt et mentionne les différents justificatifs produits pour son établissement : pièces d'état civil (extraits des actes de naissance des enfants, par exemple), copie de la donation au dernier vivant et/ou du testament faits par le défunt.

Le notaire établit des copies de l'acte, qu'il adresse aux différents organismes avec lesquels le défunt était en rapport : banques, caisses de retraite, compagnies d'assurances, etc. Les héritiers peuvent ainsi, par exemple, prélever de l'argent sur les comptes bancaires du défunt ou se faire ouvrir ses coffres.

L'intitulé d'inventaire

Le terme « intitulé d'inventaire » désigne le début de l'acte d'inventaire, acte dont on verra plus loin qu'il a pour objet d'énumérer l'ensemble des biens et des dettes de la succession. Dans l'intitulé d'inventaire, le notaire indique le nom des personnes qui lui ont demandé de faire l'inventaire, leur lien de parenté avec le défunt et leurs droits dans la succession.

Successions de faible montant
Certificat d'hérédité

Si le défunt n'a fait ni donation au dernier vivant, ni contrat de mariage, ni testament, et si l'actif à récupérer n'excède pas 5 335 €, un certificat d'hérédité peut être délivré gratuitement par la mairie (les véhicules ne sont pas pris en compte pour apprécier le plafond de 5 335 €). Le certificat d'hérédité est délivré au vu du livret de famille.

La loi n'oblige pas les maires à délivrer de certificat d'hérédité. Ces derniers apprécient l'opportunité de délivrer cet acte, compte tenu des informations dont ils disposent.

Attestation des héritiers

Pour parer aux refus de délivrance des certificats d'hérédité par les maires, la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit du 16 février 2015 a mis en place un mode de preuve simplifié de la qualité d'héritier envers la banque du défunt dans les successions modestes (Loi 2015-177 du 16-2-2015 art. 4). Il est entré en application le 15 mai 2015.

Ce mode de preuve simplifié permet à tout héritier en ligne directe d'obtenir de la banque du défunt (C. mon. fin. art. L 312-1-4 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015) :

  • qu'elle règle, sur justificatifs, les frais funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt ainsi que les loyers et autres dettes successorales dont le paiement est urgent, dans la limite d'un plafond de 5 000 € (Arrêté du 7-5-2015 art. 1) ;
  • qu'elle clôture les comptes du défunt et lui verse les sommes y figurant dès lors que le total de ces sommes est inférieur à 5 000 € (Arrêté du 7-5-2015 art. 1).

L'héritier doit fournir à la banque une attestation signée de tous les héritiers affirmant qu'à leur connaissance il n'existe ni testament ni contrat de mariage, qu'ils sont les seuls héritiers et qu'il n'existe ni procès ni contestation en cours concernant leur qualité d'héritier ou la composition de la succession. Pour la clôture des comptes, l'attestation doit en outre indiquer que la succession ne comporte aucun bien immobilier et que l'ensemble des héritiers autorise le porteur du document à clôturer les comptes et percevoir les sommes y figurant.

La loi fixe également la liste des documents à remettre à la banque : extrait d'acte de naissance du demandeur et de chacun des héritiers mentionnés dans l'attestation, extrait des actes de naissance et de mariage du défunt, copie intégrale de son acte de décès et certificat d'absence d'inscription de dispositions de dernières volontés.

Certificat de mutation

Le certificat de mutation a pour objet d'attester du droit de propriété d'une ou plusieurs personnes sur un bien déterminé. Il ne peut porter que sur certains biens, essentiellement les valeurs mobilières et les créances dont disposait le défunt sur des organismes privés ou publics (par exemple, l'argent qu'il avait à la banque ou un arriéré de retraite à percevoir), mais aussi le véhicule appartenant au défunt.

Ce certificat est établi par le notaire, moyennant des honoraires dont le montant est fonction de la valeur des biens (droit fixe de 125 € en plus) : 15,60 € hors TVA en-dessous de 1 524 €, et 0,5 % hors TVA de la valeur des biens à partir de 1 524 € (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau I no  13).

L'attestation notariée immobilière

Egalement connue sous le nom d'attestation de propriété, l'attestation immobilière est l'acte qui va servir à mettre l'immeuble au nom de celui qui en hérite. Il doit être publié au service de la publicité foncière du lieu de l'immeuble.

L'attestation immobilière est établie par le notaire et contient des renseignements complets sur l'immeuble (description, origine de la propriété du défunt, droits des héritiers, etc.). Elle est établie au vu de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire.

A compter du décès, les héritiers disposent d'un délai de six mois pour demander au notaire d'établir l'attestation (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 33). Le notaire a alors lui-même quatre mois pour établir et faire publier l'attestation (soit un délai total maximal de dix mois à compter du décès, sachant que l'acte doit être publié dans les deux mois de son établissement).

Par exception, dans les rares cas où un partage est établi et publié dans les dix mois du décès, l'attestation immobilière n'est pas obligatoire, ce qui permet d'en éviter le coût.

Savoir

Il n'est pas possible de scinder les opérations de règlement de la succession en remettant à plus tard la régularisation de l'attestation de propriété. Le notaire n'a en effet pas le droit d'établir un acte de notoriété s'il n'est pas en même temps requis de dresser l'attestation immobilière.

Le coût de l'attestation immobilière

Le notaire prélève des honoraires qui sont fonction de la valeur de l'immeuble transmis, évaluée au jour du décès ou au jour où l'attestation est établie, si elle l'est hors délai. Si l'immeuble est un bien commun du défunt et de son conjoint, les honoraires sont calculés sur la valeur totale de l'immeuble (y compris donc sur la part de communauté qui revient au conjoint hors succession). En revanche, si l'immeuble est un bien indivis, les honoraires ne sont dus que sur la quote-part appartenant au défunt (la moitié, le quart, etc.).

Le barème des honoraires est le suivant, montants hors TVA (Décret 78-262 du 8-3-1978 art. 23, S2) :

  • de 0 à 6 500 € : 2 % ;
  • au-dessus de 6 500 € et jusqu'à 17 000 € : 1,1 % ;
  • au-dessus de 17 000 € et jusqu'à 30 000 € : 0,75 % ;
  • au-dessus de 30 000 € : 0,55 %.

Par exemple, pour une attestation établie en juin 2015 sur un appartement d'une valeur de 500 000 €, le notaire prélèvera 2 928 € d'honoraires hors TVA, soit (2 % × 6 500 €) + (1,1 % × 10 500 €) + (0,75 % × 13 000 €) + (0,55 % × 470 000 €).

A ces honoraires doivent être ajoutés des émoluments de formalités forfaitisés à 351 € hors TVA (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau II no  32).

Sont également à payer au notaire, qui les reverse au Trésor public :

  • la contribution de sécurité immobilière due au service de la publicité foncière : 0,1 % de la valeur de l'immeuble ;
  • le coût de publication au service de la publicité foncière : droit fixe de 125 €.

Comment prendre possession de son héritage ?

Les héritiers n'ont pas besoin de demander d'autorisation pour récupérer leur héritage : ils ont ce qui s'appelle la « saisine » et peuvent appréhender les biens sans formalité particulière (C. civ. art. 724). Rappelons que, par héritiers, on entend les personnes désignées par la loi qui héritent en l'absence de testament : les enfants du défunt, son conjoint, etc.

Les légataires, c'est-à-dire ceux qui héritent grâce au testament fait par le défunt, ne peuvent pas prendre directement possession des biens. Ils doivent demander qu'on les leur remette.

Pour les légataires universels, deux situations doivent être distinguées (C. civ. art. 1004, C. civ.1006 et C. civ.1008) :

  • lorsque le défunt n'a laissé aucun héritier réservataire, c'est-à-dire ni descendant ni conjoint survivant, le légataire universel n'a aucune formalité à accomplir si le testament a été fait par acte notarié. Si le testament est olographe, le légataire universel doit obtenir ce qui s'appelle l'envoi en possession. Il s'agit d'une formalité judiciaire qui est effectuée par l'intermédiaire d'un avocat, auprès du président du tribunal de grande instance, pour vérifier la régularité formelle du testament ;
  • si le défunt a laissé un ou plusieurs héritiers réservataires, le légataire universel doit, sauf s'il est lui-même héritier (réservataire ou non), leur demander la délivrance de son legs. Cette demande n'est soumise à aucune forme particulière. Si les héritiers refusent de délivrer le legs, le légataire universel doit porter sa demande de délivrance devant le tribunal de grande instance du dernier domicile du défunt.

Sauf s'ils sont eux-mêmes héritiers, les légataires à titre universel et les légataires particuliers doivent demander la délivrance de leurs legs soit aux héritiers, soit au légataire universel (C. civ. art. 1011 et C. civ.1014).

L'inventaire de la succession

L'inventaire est un acte qui expose la consistance active et passive de la succession, c'est-à-dire non seulement les biens du défunt, mais également ses dettes. Il décrit et estime les biens mobiliers et immobiliers de la succession (simple désignation, pour les espèces).

L'inventaire est établi par un notaire qui, en pratique, se fait souvent assister d'un commissaire-priseur judiciaire pour l'évaluation des objets mobiliers. La loi prévoit que l'inventaire peut aussi être réalisé par un huissier ou un commissaire-priseur judiciaire, mais certains juristes estiment que ces professionnels ont seulement compétence pour évaluer les biens, l'intervention du notaire restant indispensable.

Si le défunt était marié sous un régime de communauté et lorsqu'il est établi par un notaire, l'inventaire peut également porter sur la communauté dissoute par le décès : sauf clause contraire du contrat de mariage, la moitié de cette communauté a vocation à revenir à la succession.

Le coût d'un inventaire s'élève à 750 € en moyenne.

Pourquoi faire un inventaire de la succession ?

C'est parfois obligatoire. C'est le cas, bien sûr, si la succession n'est acceptée qu'à concurrence de l'actif net (C. civ. art. 789). Mais c'est également le cas lorsqu'un héritier ou légataire reçoit un ou plusieurs biens en usufruit (C. civ. art. 600). L'obligation de réaliser l'inventaire incombe à l'usufruitier et concerne uniquement les biens sur lesquels porte l'usufruit. A noter que, en pratique, lorsque c'est le conjoint survivant qui se retrouve usufruitier, les enfants nus-propriétaires le dispensent le plus souvent de l'obligation de réaliser l'inventaire.

Lorsque l'inventaire n'est pas obligatoire, il peut être intéressant d'en faire un volontairement. C'est le cas si la situation est conflictuelle entre les héritiers, pour éviter des difficultés ultérieures au moment du partage.

La réalisation d'un inventaire peut également présenter un intérêt fiscal : l'inventaire permet d'échapper au forfait mobilier de 5 % qui, pour des successions importantes, aboutit souvent à surévaluer les meubles. En baissant la valeur du mobilier, l'inventaire permet de réduire les droits de succession.

A.  Accepter ou refuser la succession
Les données du choix

Une succession peut toujours être refusée. Il est également possible, si l'on a des doutes sur l'étendue des dettes laissées par le défunt, de ne l'accepter qu'à concurrence de l'actif net. Les héritiers ou légataires ont donc le choix entre trois solutions (C. civ. art. 768 s.) : accepter purement et simplement la succession, y renoncer purement et simplement ou ne l'accepter qu'à concurrence de l'actif net.

Par exception, les légataires particuliers, qui ne sont pas tenus de payer les dettes du défunt, n'ont d'autre choix que d'accepter purement et simplement leur legs ou d'y renoncer.

L'option est individuelle, ce qui signifie que chacun choisit librement et que son choix ne s'impose pas aux autres.

Est-il possible d'accepter en partie seulement son héritage ou son legs ? Tout dépend.

Pour les héritiers, l'option est indivisible : ils ne peuvent pas accepter une partie de leur héritage et refuser le reste (C. civ. art. 769, al. 1). Par exemple, un frère qui serait héritier de la moitié de la succession ne peut pas accepter seulement à hauteur du quart.

Les légataires n'ont pas l'obligation d'accepter leur legs en bloc ; ils peuvent le limiter à une partie seulement des biens dont il a été disposé en leur faveur, pour peu que deux conditions soient réunies (C. civ. art. 1002-1) :

  • le testateur n'a pas interdit cette possibilité ;
  • la succession a été acceptée par au moins un héritier.

De même, sauf indivisibilité des deux libéralités en raison de leur objet ou par la volonté du testateur, le légataire qui bénéficie à la fois d'un legs universel et d'un legs à titre particulier peut refuser le premier et accepter le second (Cass. 1e  civ. 18-12-2013 no  12-21.875 : BPAT 1/14 inf. 20).

Enfin, ceux qui sont à la fois héritiers et légataires peuvent accepter leur legs (en n'en prenant qu'une partie, le cas échéant) tout en renonçant à leur héritage (C. civ. art. 769, al. 2). Ils peuvent aussi faire le choix inverse et accepter leur héritage (en bloc) en renonçant à leur legs.

Savoir

Si le légataire utilise la possibilité de ne recevoir qu'une partie de son legs (ce que la loi appelle cantonner son émolument), il n'est imposé aux droits de succession que sur la part qu'il prend effectivement ; quant au bénéficiaire indirect du cantonnement (héritier qui recevra davantage du fait que le légataire prendra moins, par exemple), le supplément qu'il reçoit est imposé aux droits de succession compte tenu de son propre lien de parenté avec le défunt.

L'héritier est mineur

Trois situations sont envisageables (C. civ. art. 389-5, C. civ.389-6 et C. civ.507-1 ; Décret 2008-1484 du 22-12-2008 annexe I).

Si l'enfant a ses deux parents (les deux parents sont titulaires de l'autorité parentale) :

  • l'acceptation à concurrence de l'actif net peut être faite par l'un ou l'autre des parents ;
  • l'acceptation pure et simple nécessite l'accord des deux parents ;
  • la renonciation à la succession doit recevoir l'autorisation du juge des tutelles (cette fonction est exercée par le juge aux affaires familiales qui siège au tribunal de grande instance).

Si l'enfant n'a plus qu'un seul de ses parents (ou si un seul des parents est titulaire de l'autorité parentale) :

  • l'acceptation à concurrence de l'actif net peut être faite par le parent administrateur tout seul ;
  • l'acceptation pure et simple comme la renonciation à la succession doivent recevoir l'autorisation du juge des tutelles.

Si les deux parents sont morts (ou déchus de leur autorité parentale), le tuteur de l'enfant peut accepter seul une succession à concurrence de l'actif net. Il a besoin de l'autorisation du conseil de famille pour accepter purement et simplement ou refuser la succession.

Dans quel délai faut-il se décider ?

Chaque héritier dispose d'un minimum de quatre mois à compter du décès pour se décider (C. civ. art. 771 s.). Pendant ces quatre mois, personne ne peut l'obliger à prendre parti.

Passé ce délai de quatre mois, l'héritier qui n'a pas fait connaître son choix peut être sommé de prendre parti par un créancier de la succession, par un de ses cohéritiers, par un héritier de rang subséquent (personne qui hériterait s'il renonçait) ou encore par l'Etat. La sommation doit être faite par acte extrajudiciaire (acte d'huissier). L'héritier ainsi sommé a deux mois pour exercer l'option successorale ou pour demander au juge un délai supplémentaire (par exemple, pour achever l'inventaire en cours). S'il n'a toujours pas pris parti à l'expiration du délai de deux mois (ou du délai supplémentaire accordé par le juge), l'héritier est considéré avoir accepté purement et simplement la succession.

L'héritier qui n'a pas été sommé de prendre parti conserve sa faculté d'opter, avec un délai maximal de dix ans. S'il n'a pas pris parti à l'issue de ce délai, il est considéré comme ayant renoncé à la succession. Une réserve toutefois : lorsque le défunt était marié et que son conjoint survivant a conservé la jouissance des biens de la succession, le délai de dix ans ne commence à démarrer que le jour du décès du conjoint.

Savoir

Les créanciers personnels de l'héritier n'ont pas la faculté de le sommer de prendre parti. Mais ils bénéficient d'une autre arme : ils peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession au lieu et place de l'héritier (C. civ. art. 779), s'ils établissent l'insolvabilité au moins apparente de ce dernier (Cass. 1e  civ. 19-12-2012 no  11-25.578 : Bull. civ. I no  271). Cette acceptation n'a d'effet qu'à l'égard du créancier qui a agi et uniquement à concurrence de ce qui lui est dû.

L'acceptation pure et simple

L'acceptation pure et simple peut prendre deux formes (C. civ. art. 782). Elle peut être expresse. Par exemple, l'héritier signe un acte d'acceptation qu'il envoie au notaire chargé de la succession.

L'acceptation pure et simple peut également être tacite : si l'héritier se comporte comme le propriétaire des biens du défunt, il est présumé avoir accepté la succession. C'est le cas, par exemple, s'il s'installe dans la maison du défunt, vend son portefeuille de titres, délivre un legs consenti par le défunt, etc. Le fait de procéder à des actes conservatoires ou d'administration provisoire (par exemple, payer l'assurance de la maison, les frais funéraires ou les salaires et indemnités du salarié employé par le défunt, encaisser les loyers, etc.) n'est en revanche pas considéré comme une acceptation (C. civ. art. 784 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015).

Que l'acceptation soit expresse ou tacite, elle est définitive. L'héritier qui a accepté purement et simplement ne dispose d'aucun droit de repentir ; il ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

Conséquence de l'acceptation pure et simple de la succession, l'héritier est tenu, à concurrence de ses droits dans la succession, de payer les dettes du défunt, quel que soit le montant de ces dettes et même s'il doit pour cela vendre ses biens personnels. Par exemple, si le défunt laisse deux enfants héritiers pour moitié chacun, chaque enfant devra payer la moitié des dettes. Sur la situation des légataires face aux dettes du défunt, voir no 29306.

Il n'existe que deux exceptions à l'obligation indéfinie des héritiers au paiement des dettes de la succession (C. civ. art. 785 et C. civ.786).

En premier lieu, les legs portant sur des sommes d'argent ne sont dus au légataire qu'à concurrence de l'actif successoral net des dettes. En d'autres termes, le légataire ne peut réclamer le paiement de son legs à l'héritier que si, après paiement des dettes de la succession, il reste des biens. S'il ne reste rien, l'héritier n'est pas obligé de payer le légataire sur ses deniers personnels (et le légataire ne recevra rien).

En second lieu, l'héritier a un recours en cas de découverte tardive d'une dette importante. Il peut demander en justice à être déchargé de tout ou partie de cette dette si les deux conditions suivantes sont réunies :

  • au moment où il a accepté la succession, l'héritier avait des motifs légitimes d'ignorer la dette. Par exemple, le défunt s'était porté caution d'un emprunt souscrit par une tierce personne, et cet engagement qui n'avait fait l'objet d'aucune mesure de publicité est mis en oeuvre après l'ouverture de la succession ;
  • le paiement de cette dette par l'héritier aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel (c'est l'importance du patrimoine personnel de l'héritier qui est prise en compte, et non le montant de la dette).

C'est le juge qui apprécie si ces conditions sont réunies et qui décide du niveau de la décharge à accorder à l'héritier.

Les scellés

L'objectif des scellés est d'empêcher que des biens du défunt ne disparaissent. Autant dire que la mesure n'est efficace que si elle est prise très rapidement après le décès. Les règles applicables figurent dans le Code de procédure civile (CPC art. 1305 s.).

La pose des scellés

Seules certaines personnes ont le droit de demander l'apposition des scellés, parmi lesquelles : le conjoint ou partenaire de Pacs survivant du défunt, ceux qui se prétendent ses héritiers ou légataires, certains de ses créanciers, son exécuteur testamentaire ou le mandataire désigné pour l'administration de la succession et, bien sûr, le propriétaire des lieux.

La demande doit être faite auprès du président du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. Le recours à un avocat n'est pas obligatoire.

Si le juge accepte la demande, il désigne un huissier de justice chargé d'apposer les scellés. La personne qui a demandé l'apposition des scellés est invitée à y assister et doit avancer les frais. Selon la valeur des biens, l'huissier :

  • dresse un procès-verbal de carence si les meubles trouvés sur place sont manifestement dénués de valeur marchande ;
  • établit un état descriptif du mobilier si la consistance du mobilier ne justifie pas l'apposition des scellés ;
  • ou pose les scellés au moyen de son sceau (il s'agit d'un cachet de cire sur une bande de toile ou de papier) sur les serrures, sur la porte d'entrée ou même directement sur les meubles ; il désigne un gardien des scellés chargé d'empêcher le détournement des objets.

L'huissier peut déposer les documents se rapportant à la succession chez le notaire chargé du règlement de la succession ou les conserver si aucun notaire n'a été désigné. Il peut également emporter les liquidités, bijoux, etc. pour les mettre à l'abri dans son étude, chez le notaire chargé du règlement de la succession ou dans une banque.

A noter que les sanctions du bris de scellés sont sévères : jusqu'à deux ans de prison et 30 000 € d'amende (C. pén. art. 434-22).

La levée des scellés

Les personnes habilitées à demander la levée des scellés sont celles qui peuvent en demander la pose (ainsi que l'administration chargée des domaines, pour les successions qu'elle est chargée de gérer). Doivent être convoqués pour la levée des scellés la ou les personnes qui en ont demandé la pose, ainsi que le conjoint survivant ou le partenaire de Pacs du défunt, les héritiers, les légataires universels ou à titre universel et, le cas échéant, l'exécuteur testamentaire (et l'administration des Domaines). Au moment de la levée des scellés, il faut faire un inventaire du mobilier et des papiers du défunt, sauf si toutes les personnes convoquées sont à la fois présentes (ou représentées) et d'accord pour ne pas faire cet inventaire.

La renonciation à succession

La renonciation à une succession ne se présume pas. Pour les héritiers, les légataires universels et les légataires à titre universel, la renonciation résulte en principe d'une déclaration expresse adressée ou déposée au tribunal de grande instance du dernier domicile du défunt (C. civ. art. 804 et CPC art. 1339). La déclaration peut être effectuée sur l'imprimé Cerfa 14037*02 accessible sur le site www.service-public.fr ; elle est consignée sur un registre spécial.

Un héritier est également réputé renonçant s'il n'a pas accepté la succession dans les dix ans suivant le décès (C. civ. art. 780).

Pour les légataires particuliers, aucun formalisme ne s'impose pour renoncer au legs qui leur est fait.

Les effets de la renonciation sont les suivants. Celui qui refuse une succession est censé n'avoir jamais été héritier : il ne recueille pas les biens de la succession et, en contrepartie, il ne doit pas payer les dettes du défunt. S'il s'agit d'un descendant ou d'un ascendant du défunt, il reste néanmoins tenu de participer aux frais d'obsèques si l'actif successoral ne suffit pas à les payer (C. civ. art. 806).

L'héritier renonçant garde certains droits à caractère non financier : droit de conserver les souvenirs de famille, les diplômes, les médailles et décorations du défunt, d'être enterré dans le caveau de famille, etc.

En ce qui concerne les règles de prise en compte de l'enfant renonçant pour le calcul de la réserve, voir no 29269.

L'héritier qui a renoncé à la succession a le droit de changer d'avis. Pendant dix ans, il peut accepter purement et simplement la succession initialement refusée à condition que celle-ci n'ait pas entre-temps été acceptée par un autre héritier. L'acceptation à concurrence de l'actif net ne lui est pas ouverte (C. civ. art. 807).

Pourquoi renoncer à une succession ?

Parfois par pure générosité : on renonce à la succession pour qu'un autre hérite ou reçoive davantage.

Plus souvent, la renonciation à une succession obéit à des considérations d'intérêts : il est financièrement plus avantageux de ne pas hériter. Ce peut être le cas :

  • pour des raisons fiscales : voir ci-après ;
  • parce que la succession est déficitaire, c'est-à-dire que les dettes y sont supérieures à la valeur des biens laissés. Renoncer à la succession permet d'échapper aux dettes du défunt ;
  • parce que l'héritier a reçu du défunt une donation importante et que l'acceptation de la succession l'obligerait à indemniser les autres héritiers. A noter toutefois que les donations consenties depuis le 1er  janvier 2007 peuvent prévoir que l'héritier sera tenu au rapport de la donation même s'il renonce à la succession (C. civ. art. 845, al. 1). Si la valeur de la donation au jour du partage excède ce que l'héritier renonçant aurait reçu s'il avait accepté la succession, il devra indemniser les autres héritiers à hauteur de la différence.

1. Zoé Martin décède en 2015 en laissant trois frères : Anatole, Barnabé et Charles. Elle avait donné 200 000 € en 2008 à Anatole (et rien aux autres). Elle laisse des biens pour une valeur de 250 000 €.

En décidant de renoncer à la succession, Anatole conserve pour lui seul le bénéfice de sa donation. S'il acceptait la succession, la masse à partager avec ses frères serait formée des biens laissés par sa soeur à son décès (250 000 €) et du rapport de sa donation (200 000 €), soit un total de 450 000 €. Anatole ne pourrait prétendre qu'au tiers de cette masse, soit 150 000 €, et devrait par conséquent une indemnité de rapport de 50 000 € à ses frères. Barnabé et Charles se partageraient les biens existants (250 000 €) et l'indemnité de rapport versée par leur frère (50 000 €), soit un total de 300 000 € revenant à chacun pour moitié.

2. Même exemple mais il a été prévu qu'Anatole devrait le rapport de la donation même en cas de renonciation à la succession de sa soeur.

En renonçant à la succession, Anatole se trouve dans la même situation que s'il l'avait acceptée : il doit à Barnabé et Charles une indemnité de rapport de 50 000 €, correspondant à la différence entre le montant de sa donation (200 000 €) et les droits qu'il aurait eus dans le partage s'il avait accepté la succession (150 000 €).

Comment est taxée une renonciation à succession ?

En principe, celui qui renonce n'a ni déclaration à souscrire ni impôt à payer.

Si la renonciation a pour effet d'augmenter la part d'un autre héritier, ce dernier est taxable sur la part qu'il reçoit en plus, au tarif applicable compte tenu de son lien de parenté avec le défunt.

Signalons toutefois que, lorsque l'administration estime que la renonciation a un but exclusivement fiscal, elle n'hésite pas à mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit avec les sanctions qui en découlent : perception des droits de succession normalement exigibles majorés d'un intérêt de retard de 0,40 % par mois et d'une pénalité de 40 % ou 80 %.

L'administration estime par exemple (mais cela reste à confirmer par les tribunaux) qu'il y a abus de droit lorsque la soeur d'un homme décédé sans descendance renonce à la succession en son nom propre et pour ses enfants mineurs au profit de sa mère, seule autre héritière, celle-ci consentant immédiatement après une donation à ses petits-enfants d'une somme équivalente à celle qu'ils auraient reçue dans la succession de leur oncle si leur mère n'y avait pas aussi renoncé en leur nom. Cette double renonciation a pour seul but d'échapper aux droits élevés frappant une succession en ligne collatérale entre un oncle et ses neveux afin de bénéficier de la fiscalité beaucoup plus favorable des transmissions en ligne directe (BOI-ENR-DMTG-10-50-80 no  290).

La renonciation incluse dans une transaction mettant fin au litige entre héritiers et comportant une contrepartie au profit du légataire renonçant emporte de sa part acceptation de la succession. Il doit alors payer les droits sur le legs auquel il a renoncé (Cass. com. 26-6-2012 no  11-21.160 : RJF 10/12 no  959).

L'acceptation à concurrence de l'actif net

Lorsqu'il n'est pas possible de connaître rapidement le montant des dettes laissées par le défunt, l'acceptation à concurrence de l'actif net est un parti raisonnable (C. civ. art. 787 à C. civ.803) : si les dettes sont finalement supérieures aux biens laissés, l'héritier ne sera pas tenu de les payer sur ses biens personnels. Il ne sera tenu au paiement qu'à concurrence de la valeur des biens qu'il recueille.

L'acceptation à concurrence de l'actif net est effectuée par une déclaration enregistrée sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de grande instance du dernier domicile du défunt (C. civ. art. 788 et CPC art. 1334 s.). Le greffe délivre un récépissé de la déclaration et en assure par voie électronique, aux frais de la succession, la publicité par une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Cette publicité nationale, destinée à informer les créanciers du défunt, est doublée d'une publicité locale : dans les 15 jours de sa déclaration, l'héritier doit lui-même faire procéder à l'insertion d'un avis dans un journal d'annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal de grande instance.

L'héritier qui a accepté la succession à concurrence de l'actif net perd le droit de renoncer à la succession ; il peut seulement révoquer son acceptation pour accepter purement et simplement. Tout se passe alors comme s'il avait accepté purement et simplement depuis l'ouverture de la succession (C. civ. art. 801).

La déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net doit être accompagnée ou suivie de l'inventaire de la succession, effectué dans les conditions indiquées no 29950. Sauf délai supplémentaire accordé par le juge, l'héritier a deux mois à compter de sa déclaration d'acceptation pour déposer l'inventaire au tribunal. Compte tenu du délai de quatre mois pendant lequel il ne peut pas être contraint d'opter, l'héritier a en pratique au minimum six mois pour faire réaliser un inventaire. Mais attention : si l'inventaire n'est pas déposé dans les délais, l'héritier est considéré comme ayant accepté purement et simplement la succession (C. civ. art. 790, al. 4).

Le dépôt de l'inventaire au tribunal fait l'objet des mêmes mesures de publicité nationale que la déclaration d'acceptation. Les créanciers de la succession et les légataires de sommes d'argent peuvent consulter l'inventaire et en obtenir une copie à leurs frais.

Dans les 15 mois de la publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net, les créanciers du défunt déclarent leurs créances sur la succession ; s'ils ne le font pas, leurs créances sont éteintes (sauf si elles sont assorties de sûretés, par exemple une hypothèque) et ils ne pourront plus se faire payer. Pendant ces 15 mois, les poursuites contre l'héritier sont suspendues : aucune voie d'exécution (saisie, par exemple) n'est possible.

Dans ce même délai de 15 mois, l'héritier a le choix de conserver ou de vendre les biens successoraux :

  • s'il souhaite conserver un ou plusieurs biens de la succession, il doit faire une déclaration de conservation au greffe du tribunal (qui en assure la publicité nationale au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Dans les deux mois de cette déclaration, l'héritier devra payer aux créanciers la valeur des biens conservés telle qu'elle a été fixée dans l'inventaire ;
  • s'il vend les biens qu'il ne veut pas conserver, il a 15 jours pour déclarer la vente au greffe du tribunal (qui en assure la publicité nationale). A réception du prix de vente, il a deux mois pour reverser ce prix de vente aux créanciers.

A noter que l'héritier qui, sciemment et de mauvaise foi, n'affecte pas au paiement des créanciers de la succession la valeur des biens conservés ou le prix des biens vendus perd le bénéfice de l'acceptation à concurrence de l'actif : il est considéré comme ayant accepté purement et simplement la succession, ce qui l'oblige à payer les dettes de la succession, y compris sur ses biens personnels. La même sanction s'applique lorsque l'héritier a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l'inventaire des éléments actifs ou passifs de la succession (C. civ. art. 800, al. 4).

A l'issue des 15 mois, les poursuites des créanciers qui ont déclaré leurs créances peuvent reprendre.

Lorsque l'héritier a désintéressé tous les créanciers déclarés ou, au contraire, a épuisé tout l'actif et affecté les sommes correspondantes au paiement des créanciers, il dépose au greffe du tribunal de grande instance le compte définitif de ses opérations. Ce dépôt fait l'objet d'une publicité nationale au Bodacc.

Savoir

L'héritier qui a accepté à concurrence de l'actif net peut demander au juge de désigner un mandataire qui se substitue à lui pour administrer et régler la succession. A défaut, c'est lui qui gère les biens de la succession et en règle les dettes. Il tient le compte de son administration et doit présenter ce compte à tout créancier qui le lui demanderait. Il répond des fautes graves qu'il commet dans cette administration.

B.  La prise en compte des donations antérieures
Les règles de base

Les donations faites par le défunt sont prises en compte pour le règlement de sa succession dans deux cas :

  • il y a au moins deux héritiers et l'un au moins d'entre eux a reçu une donation du défunt ;
  • le défunt laisse au moins un héritier réservataire : descendant(s) ou conjoint.

Dans le premier cas, la prise en compte des donations a pour objectif d'assurer l'égalité des héritiers. Dans le second, il s'agit de vérifier que les enfants ou le conjoint ont bien reçu la part minimale de succession que la loi leur réserve.

Dans les deux hypothèses, les règles à mettre en oeuvre sont relativement complexes, d'autant que les deux situations sont souvent réunies (par exemple, une personne qui a au moins deux enfants a fait une donation à l'un d'entre eux). En pratique, c'est le notaire chargé de la succession qui s'occupe de tout.

1.  Le défunt a fait des donations à ses héritiers : le rapport des donations
Le principe d'égalité des héritiers

Ceux qui ont plusieurs héritiers sont supposés vouloir maintenir l'égalité entre eux. Pour cette raison, s'ils font une donation à l'un de leurs héritiers, cette donation est présumée être une avance sur l'héritage futur de l'héritier, et non un avantage qui lui serait consenti au détriment des autres. Au moment du partage de la succession du donateur, l'héritier sera considéré comme ayant déjà reçu sa part d'héritage à hauteur de la valeur de la donation dont il a bénéficié. Techniquement, on parle de rapport des donations, parce que la valeur de ce qui a été donné est rapportée (c'est-à-dire ajoutée) aux biens laissés par le défunt pour déterminer la part d'héritage devant revenir à chacun. Un exemple illustrera ce principe.

Monsieur Letort, divorcé, avait deux filles, Dominique et Dolorès. A Dominique, il a donné quelques semaines avant sa mort un appartement d'une valeur de 150 000 €. Il n'a rien donné à Dolorès. A sa mort, monsieur Letort laisse des biens pour 300 000 €. Il n'a pas fait de testament.

Si on n'appliquait pas la règle du rapport, le partage de la succession se ferait au vu des seuls biens laissés par le défunt, soit 300 000 €. Chaque soeur en prendrait la moitié. En définitive, Dominique recevrait 300 000 € (l'appartement + la moitié des biens laissés au décès), tandis que Dolorès n'aurait que 150 000 €.

Parce qu'on rapporte les donations antérieures, la valeur de la donation dont Dominique a bénéficié est prise en compte pour déterminer ce qu'il y a à partager entre les deux soeurs. En supposant que la valeur de l'appartement soit toujours égale à 150 000 € au moment du partage, la masse à partager s'élève à 450 000 €. Dominique ayant déjà reçu 150 000 € avec l'appartement ne prendra que 75 000 € sur les biens existants au décès. Dolorès récupérera 225 000 €. Au final, chaque soeur aura bien reçu 225 000 € et l'égalité entre les héritiers aura été respectée.

Quels sont les héritiers tenus au rapport ?

En principe, tout héritier venant à la succession est tenu de rapporter les donations qu'il a reçues du défunt, sauf s'il s'agit de donations qui lui ont été consenties hors part successorale (C. civ. art. 843, al. 1).

La qualité d'héritier présomptif s'apprécie au moment de la donation. Ainsi, le petit-fils qui a reçu une donation de son grand-père et qui vient à sa succession par représentation de son père prédécédé devra le rapport si la donation a été faite après le décès de son père (sauf dispense dans l'acte) ; en revanche, il ne le devra pas si la libéralité a été faite du vivant de son père (sauf clause de la donation en sens contraire).

Echappe toutefois au rapport l'héritier :

  • qui renonce à la succession, sauf si l'acte de donation prévoit qu'il sera tenu au rapport même s'il renonce à la succession (C. civ. art. 845) ;
  • qui est exclu de la succession parce qu'il est primé par un héritier d'un ordre supérieur (par exemple, un neveu qui a bénéficié d'une donation n'est pas tenu au rapport en présence du fils du défunt).

Le légataire universel et le légataire à titre universel n'ont pas la qualité d'héritier. Ils ne sont donc pas tenus de rapporter les donations qu'ils ont reçues en plus de leur legs (Cass. 1e  civ. 20-10-2010 no  09-16.157 : Bull. civ. I no  211, à propos d'un légataire à titre universel).

Quelles sont les donations à rapporter ?

Sous réserve des exceptions mentionnées au paragraphe suivant, ce sont toutes les donations qui ont été consenties à un héritier, chaque fois qu'il y a plusieurs héritiers (C. civ. art. 843). Sont donc concernées l'ensemble des donations faites aux personnes qui héritent en application des règles de dévolution légale des successions : les enfants du défunt, à défaut ses frères et soeurs et ses parents... et bien sûr son conjoint.

Ces donations qui doivent être rapportées à la succession sont qualifiées de donations en avancement de part successorale ou de donations rapportables, toutes ces expressions ayant ici le même sens. Lorsqu'elles portent sur un bien commun, elles doivent être rapportées par moitié à la succession de chacun des époux donateurs, sauf clause particulière (notamment, Cass. 1e  civ. 18-1-2012 no  11-12.863 : Bull. civ. I no  8).

Le fait qu'une donation n'ait pas été consentie devant notaire n'empêche pas qu'elle doive être rapportée au moment du partage. Les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées sont considérés comme des avances sur héritage au même titre que les donations notariées. Tel est du moins le principe. En pratique, le caractère discret, voire occulte, de ces donations empêchera souvent leur découverte par les cohéritiers, et donc leur prise en compte. En tout état de cause, c'est à l'héritier qui exige le rapport de prouver l'existence de la donation.

Savoir

Le fait d'avoir disposé gratuitement d'un logement mis à sa disposition par ses parents ou d'avoir été hébergé gratuitement à leur domicile constitue un avantage dont la valeur (l'économie de loyers réalisée) n'est rapportable à la succession que si les frères et soeurs qui demandent le rapport prouvent l'intention libérale de leurs parents (Cass. 1e  civ. 18-1-2012 nos  10-25.685, Cass. 1e  civ.10-27.32518-1-2012 et Cass. 1e  civ.11-12.86318-1-2012 : Bull. civ. I nos  7 à 9 ; Cass. 1e  civ. 24-9-2014 no  12-27.241). En pratique, cette preuve est très difficile à apporter, surtout lorsque l'enfant a été hébergé par ses parents puisque la Cour de cassation exige, dans ce cas, que soit également prouvé l'appauvrissement des parents. Il a été jugé que lorsque la jouissance gratuite du logement a pour contrepartie le paiement de l'ensemble des charges du logement mis à disposition, l'intention libérale n'est pas établie (Cass. 1e  civ. 30-1-2013 no  11-25.386). Le parent qui a mis à disposition le logement a donc intérêt à formaliser son intention libérale. Une décision a admis qu'il pouvait le faire dans un testament (Cass. 1e  civ. 19-3-2014 no  13-14.139 : Bull. civ. I no  51, BPAT 3/14 inf. 129).

Les donations qui échappent au rapport

C'est d'abord le cas des donations-partages, lesquelles ne sont par définition jamais rapportables à la succession du donateur. En ce qui les concerne, le partage a en effet déjà été réalisé.

C'est ensuite le cas des donations pour lesquelles le donateur et le bénéficiaire en ont décidé ainsi (C. civ. art. 843). Le rapport n'est pas obligatoire et il est toujours possible de prévoir qu'il n'y en aura pas. La loi parle de dispense de rapport ou de donation hors part successorale (avant la loi 2006-728 du 23 juin 2006, on utilisait les termes de donation par préciput et hors part ou de donation préciputaire).

Lorsque la donation a été consentie devant notaire, l'acte indique si la donation a été faite avec ou sans dispense de rapport. Si la donation n'a pas été notariée (don manuel, par exemple), la dispense de rapport doit être prouvée, ce qui ne va pas de soi si l'on n'a pas pris soin d'établir un pacte adjoint.

Echappent également au rapport :

  • les frais d'entretien, de nourriture, d'éducation, d'apprentissage, d'équipement et de noces, sauf disposition contraire (C. civ. art. 852). La qualification de « frais d'entretien » dispensés de rapport s'apprécie au regard des revenus du disposant, et non en fonction de son patrimoine. Jugé par exemple que les 550 € versés chaque mois pendant 11 ans par un père à son fils adulte dans le besoin constituent des frais d'entretien, peu important que le montant cumulé des versements (75 000 €) ait représenté 45 % de l'actif successoral (Cass. 1e  civ. 1-2-2012 no  10-25.546 : Bull. civ. I no  23) ;
  • les présents d'usage, qui obéissent à des règles particulières exposées au no 29453 ;
  • les ventes au profit d'un enfant et qui ont été opérées avec réserve d'usufruit ou moyennant une rente viagère. On a vu no 29565 que ces ventes étaient présumées constituer des donations déguisées. Elles sont également présumées dispensées de rapport, sans qu'il soit possible de démontrer le contraire.

Retrouvons monsieur Letort et ses filles et supposons maintenant que la donation de l'appartement à Dominique a été stipulée hors part successorale par l'acte de donation. Après le décès de monsieur Letort, les deux filles se partagent les biens de la succession par parts égales, soit 150 000 € chacune. Finalement, Dominique aura reçu 300 000 €, sa soeur Dolorès seulement 150 000 €.

Comment évaluer le rapport ?

Au décès du donateur, il a pu s'écouler de nombreuses années depuis la donation. Dans l'intervalle, la valeur du bien donné a pu changer, à la hausse comme à la baisse. Il est également possible que le bénéficiaire de la donation ne soit plus propriétaire du bien. Se pose donc le problème de la valeur pour laquelle la donation devra être rapportée.

Deux hypothèses sont envisageables :

  • le donateur et le bénéficiaire de la donation ont eux-mêmes prévu comment le bien donné devrait être évalué pour le rapport. Dans ce cas, leur évaluation sera normalement retenue. Par exemple, ils ont pu décider dans l'acte de donation que l'argent donné serait définitivement évalué au jour de la donation, que l'appartement donné serait réévalué en fonction de l'indice du coût de la construction publié par l'Insee, etc. ;
  • le donateur et le bénéficiaire n'ont rien prévu. Il faut alors se reporter aux règles d'évaluation prévues par la loi (C. civ. art. 860 et C. civ.860-1).
Si rien n'a été prévu

Pour assurer l'égalité entre les héritiers, on fait comme si le bien était resté dans le patrimoine du donateur en réintégrant sa valeur à la masse des biens à partager. Le bien est évalué dans son état à l'époque de la donation, mais pour sa valeur à l'époque où est fait le partage (C. civ. art. 860, al. 1). De ce fait, il ne peut pas être tenu compte d'un hypothétique changement de destination du bien après le partage pour déterminer sa valeur rapportable à la succession ; par exemple, si le bien donné est un terrain qui est inconstructible lors du partage, son évaluation ne peut pas tenir compte de ses perspectives de constructibilité futures (Cass. 1e  civ. 13-2-2013 no  11-24.138 : Bull. civ. I no  16, BPAT 2/13 inf. 60).

Parce que l'on prend en compte l'état du bien lors de la donation, il est fait abstraction des plus-values ou moins-values que le bénéficiaire de la donation a pu lui-même apporter au bien (travaux d'agrandissement pour une maison, accroissement de la valeur des parts sociales due à l'activité du donataire au sein de l'entreprise, etc.). En cas de travaux réalisés par le donataire, l'immeuble donné doit être évalué pour sa valeur à l'époque du partage, dans son état au jour de la donation, c'est-à-dire sans tenir compte des travaux, et non pour sa valeur dans son état actuel, déduction faite du montant des travaux (Cass. 1e  civ. 14-1-2015 no  13-24.921 : BDP 3/15 inf. 82).

Il est en revanche tenu compte des plus-values ou moins-values qui sont dues à des facteurs extérieurs, parce que le donateur les aurait pareillement connues s'il avait conservé le bien ; par exemple, la maison donnée a pris de la valeur du fait de la transformation en jardin public du parking qui était en face ; le mobilier donné s'est déprécié par suite de l'usure normale du temps, etc.

Quelques précisions :

  • si le défunt n'avait donné que la nue-propriété du bien en s'en réservant l'usufruit, le rapport est quand même de la valeur de la propriété entière, et pas seulement de la nue-propriété (notamment, Cass. 1e  civ. 28-9-2011 no  10-20.354). Cette solution s'explique par le fait qu'avec le décès du donateur, le bénéficiaire de la donation est devenu propriétaire à part entière ;
  • si la donation portait sur une somme d'argent, c'est le montant donné qui doit être rapporté, sans prendre en compte la dépréciation monétaire. Mais si l'argent a servi à acheter un bien, on prend la valeur du bien qui a été acquis ; cette valeur est appréciée à l'époque du partage, en tenant compte de l'état du bien à l'époque de son acquisition. Par exception, on ne tient pas compte de la valeur du bien acheté si sa dépréciation était inéluctable dès son acquisition (voiture, matériel informatique ou hi-fi, etc.). Par exemple, si le bénéficiaire d'une donation de 15 000 € a acheté avec cet argent une voiture qui ne vaut plus que 1 000 € au moment du partage de la succession, il devra rapporter 15 000 €, et non seulement 1 000 € ;
  • si le bien donné a été vendu ou donné, on prend sa valeur au jour de la vente ou de la donation (mais toujours en tenant compte de l'état du bien à l'époque de la donation). En cas de vente, si le prix de cette vente a été utilisé pour acheter un autre bien, c'est la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage qui sera retenue, en tenant compte de son état lors de son acquisition (avec la même exception que précédemment, pour les biens dont la dépréciation est inéluctable dès leur acquisition). En revanche, si le prix de vente a servi à financer la construction d'une maison, c'est la valeur du bien au jour de la vente, d'après son état lors de la donation, qui devra être rapportée (Cass. 1e  civ. 14-5-2014 no  12-25.375 : Bull. civ. I no  94).
  • si le bien a été perdu sans que ce soit par la faute du bénéficiaire de la donation, ce dernier n'a plus à rapporter la valeur de ce qui lui avait été donné, sauf s'il a perçu une indemnité d'assurance (dans ce cas, il rapporte l'indemnité d'assurance ou la valeur de ce qu'il a acheté avec cette indemnité).
Exemple

Le défunt avait donné en 2005 à sa fille Jeanne un appartement d'une valeur de 300 000 € et à son fils Louis une somme d'argent équivalente. Louis a placé en bourse ses 300 000 €. Le père est mort en 2013. Les biens laissés au décès, d'une valeur de 1 000 000 €, sont partagés entre le frère et la soeur en 2015. A l'époque de ce partage, l'appartement vaut 450 000 €, la valeur du portefeuille de Louis étant de 200 000 €.

Les actes notariés ont qualifié les deux donations de rapportables, sans prévoir aucune règle particulière d'évaluation du rapport. La donation faite à Jeanne est donc rapportable pour 450 000 €, celle de Louis pour 200 000 €.

La masse à partager entre le frère et la soeur s'élève à 1 650 000 €, soit 1 000 000 € (biens laissés par le défunt) + 450 000 € + 200 000 €. Le père étant mort sans avoir fait de testament, chaque enfant doit recevoir la moitié de la succession, soit 825 000 € :

  • Louis prendra 625 000 € : il a reçu 200 000 € compte tenu de la valeur de ses actions à l'époque du partage ;
  • Jeanne prendra 375 000 € : elle a déjà reçu 450 000 €.

Supposons maintenant que Jeanne a vendu son appartement en 2007 pour en acheter un plus grand, partiellement financé par emprunt. Le nouvel appartement, payé 400 000 € en 2007, vaut 500 000 € lors du partage. La vente de l'ancien appartement a rapporté 330 000 €, somme intégralement affectée au nouvel investissement. La valeur à rapporter par Jeanne sera de 500 000 € × 330 000 € / 400 000 € = 412 500 €.

Le recel successoral
Qu'est-ce que le recel successoral ?

C'est le fait pour un héritier de dissimuler volontairement l'existence d'un autre héritier ou de détourner frauduleusement à son profit certains biens du défunt dans le but de rompre l'égalité du partage (C. civ. art. 778). Les manoeuvres utilisées dépendent de l'imagination de l'héritier, notamment :

  • dissimulation ou destruction du testament olographe du défunt estimé insuffisamment généreux ;
  • rédaction d'un faux testament favorable ;
  • dissimulation d'une donation, en particulier d'un don manuel antérieur qui est sciemment caché aux autres héritiers ;
  • enlèvement secret de certains biens du défunt (d'où l'intérêt des scellés), etc.

Les mêmes manoeuvres commises par un légataire peuvent constituer un recel successoral, mais uniquement en présence d'héritiers réservataires. Si le défunt ne laisse ni descendant ni conjoint, le légataire ne peut pas commettre un recel (Cass. 1e  civ. 26-1-2011 no  09-68.368 : Bull. civ. I no  19).

Qui peut le faire constater et à quelles conditions ?

Les héritiers, à condition d'avoir cette qualité au moment où ils exercent l'action, et les créanciers de la succession peuvent agir en justice pour faire sanctionner le recel successoral.

Pour que l'action aboutisse, ils doivent prouver l'intention frauduleuse de porter atteinte à l'égalité du partage de celui qu'ils accusent de recel. N'est pas constitutif de recel, en effet, le simple fait pour un enfant de ne pas spontanément révéler à son frère la donation de parts de SCI reçue de leur père (Cass. 1e  civ. 21-11-2012 no  11-25.439).

Les sanctions du recel successoral

Celui qui commet un recel successoral est doublement sanctionné.

Il est privé des biens qu'il a détournés. S'il s'agit d'une somme d'argent, il doit restituer la somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de son appropriation injustifiée (Cass. 1e  civ. 31-10-2007 no  06-14.339 : Bull. civ. I no  295). Si le recel a porté sur un bien, l'héritier doit restituer ce bien dans l'état où il se trouvait au décès. Lorsque la restitution est impossible (le bien a été vendu), l'héritier est tenu de restituer la valeur actuelle du bien. Cette somme étant déterminée au jour du partage, ce dernier ne peut pas mettre d'intérêts à la charge de l'héritier qui en est débiteur (Cass. 1e  civ. 19-11-2014 no  13-24.644 : BDP 3/15 inf. 83). Les biens (ou les sommes) restitués reviendront intégralement aux autres héritiers.

L'héritier coupable de recel est également considéré comme ayant accepté la succession purement et simplement : s'il avait accepté à concurrence de l'actif net, il est privé de la protection offerte par cette forme d'acceptation (il sera donc tenu de payer les créanciers du défunt sur ses biens personnels) ; s'il avait renoncé, il est quand même considéré comme ayant accepté la succession, sauf si sa renonciation est devenue définitive parce qu'un autre héritier a entre-temps accepté la succession.

Une sanction particulière s'applique en cas de recel par dissimulation d'héritier : les droits du receleur sont calculés sur une masse dont est déduite la part qui doit revenir à l'héritier dissimulé.

Seule « consolation » pour le receleur : il n'a pas à payer de droits de succession sur la part d'actif qu'il a détournée.

Le droit au repentir

L'héritier qui a commis un recel échappe aux sanctions normalement encourues si, de lui-même, il révèle l'existence du cohéritier qu'il avait dissimulé ou restitue les biens qu'il avait détournés. Mais attention : ce repentir doit être spontané, c'est-à-dire antérieur aux poursuites. Après la découverte du recel par les autres héritiers, il est trop tard (Cass. 1e  civ. 17-1-2006 no  04-17.675 : Bull. civ. I no  25).

Comment se règle le rapport ?

En principe, le donataire garde le bien qui lui a été donné et le rapport se fait en valeur (C. civ. art. 858).

Le plus souvent, le montant du rapport est inférieur à ce que l'héritier doit finalement recevoir dans le partage. Le rapport a alors pour effet de diminuer la part à prendre sur l'héritage proprement dit (voir l'exemple de Louis et Jeanne au no 30118). L'héritier prend moins sur la succession, d'où l'appellation de rapport en moins prenant.

Il arrive cependant que la valeur de la donation à rapporter par l'héritier excède le montant de son héritage. Dans ce cas, l'héritier indemnise les autres héritiers en leur versant une indemnité de rapport (voir l'exemple ci-dessous).

Dans deux cas, l'héritier qui a accepté la succession peut effectuer le rapport en nature (le bien étant alors remis dans le partage) :

  • d'une part, si l'acte de donation l'a prévu (rarissime) ;
  • d'autre part, si le bénéficiaire de la donation le souhaite, à condition que le bien soit libre de toute charge ou occupation de son fait (par exemple, il ne doit pas avoir hypothéqué ou loué l'immeuble qui lui a été donné) et que l'acte de donation n'ait pas écarté cette possibilité.

Mademoiselle Violette Lenoir avait deux soeurs, Blanche et Rose. Elle a donné à Blanche en 2000 un appartement d'une valeur de 250 000 €. Elle n'a rien donné à Rose. A sa mort en 2015, Violette laisse des biens pour 250 000 €. N'ayant pas fait de testament, Violette laisse tous ses biens à ses deux soeurs (on suppose que leurs parents sont morts). Le partage a lieu en 2015 et l'appartement vaut 450 000 €. Blanche et Rose doivent se partager 700 000 €, soit 350 000 € chacune.

Blanche, qui est déjà censée avoir reçu 450 000 €, ne prendra rien sur les biens laissés au décès et devra verser à Rose une indemnité de 100 000 €.

Rose prendra l'intégralité des biens laissés par Violette (250 000 €) et recevra une indemnité de 100 000 € de sa soeur Blanche.

Rappelons toutefois que, si elle le souhaite, Blanche peut garder l'appartement sans verser un centime à sa soeur : il lui suffit de renoncer à la succession pour échapper au rapport.

Si l'héritier devait de l'argent au défunt

Il en est tenu compte au moment du partage de la succession, la dette de l'héritier venant s'imputer sur sa part d'héritage. Si cette part n'est pas suffisante pour éponger la dette, l'héritier devra en payer le solde, dans les délais et selon les conditions qui avaient été initialement prévus avec le défunt (C. civ. art. 864).

L'évaluation des dettes obéit à une règle simple : la dette est toujours prise en compte pour son montant nominal, quel que soit l'usage qui a été fait de l'argent (pour une illustration, voir Cass. 1e  civ. 4-6-2007 no  05-15.253 : Bull. civ. I no  226). Paradoxalement, l'héritier à qui le défunt avait prêté de l'argent peut donc se retrouver dans une situation plus avantageuse que celui auquel l'argent avait été donné.

Monsieur Lerouge a prêté 15 000 € à son fils Paul et donné 15 000 € à son fils David. A supposer que les deux frères aient fait le même usage de leur argent et aient acquis un bien dont la valeur a doublé au décès de leur père, David devra rapporter 30 000 €, tandis que Paul ne verra sa part d'héritage amputée que de 15 000 €.

2.  Le défunt laisse des enfants ou un conjoint survivant : la réduction des donations
Les notions de base

On a vu que les enfants et, à titre subsidiaire, le conjoint survivant ne pouvaient pas être totalement déshérités, parce que la loi leur accorde une part minimale de succession, qualifiée de réserve. Chaque fois que quelqu'un meurt en laissant des enfants ou un conjoint, il faut vérifier que ces héritiers peuvent recevoir leur part de réserve.

Pour effectuer cette vérification, il est tenu compte des donations que le défunt avait pu faire de son vivant. Si ces donations empiètent sur la réserve, les héritiers réservataires pourront demander qu'elles soient réduites.

Matériellement, il faut d'abord calculer le montant de la réserve pour pouvoir vérifier si les donations effectuées par le défunt empiètent dessus.

Comment calcule-t-on la réserve ?

Trois opérations sont nécessaires au calcul de la réserve (C. civ. art. 922).

Il faut d'abord estimer le total des biens de la succession. Les biens à prendre en compte sont tous ceux que le défunt laisse à son décès, y compris ceux qu'il a donnés à son conjoint par donation au dernier vivant et ceux qu'il a légués par testament. Ces biens sont pris en compte pour leur valeur au jour du décès.

Il faut ensuite déduire les dettes. Les dettes à déduire sont celles du défunt et celles qui sont liées à son décès : frais d'enterrement, frais de règlement de la succession, etc., mais pas les droits de succession, qui sont les dettes des héritiers.

A l'actif net ainsi obtenu (biens existants moins les dettes), il faut ajouter les donations. Les donations à ajouter sont toutes celles qui ont pu être faites par le défunt de son vivant, quels que soient leurs bénéficiaires (héritiers ou non) et la forme de la donation (donation notariée ou don manuel, donation indirecte ou donation déguisée). Sont exclus les présents d'usage, parce qu'il ne s'agit pas à proprement parler de donations. Même chose pour les frais divers d'entretien, de nourriture ou d'éducation. Indiquons également que si le défunt était marié et avait des enfants d'un autre lit, les avantages matrimoniaux consentis, le cas échéant, au conjoint survivant sont considérés comme des donations à l'égard de ces enfants et sont donc pris en compte pour le calcul de leur réserve.

Une fois ces trois opérations effectuées, on obtient ce qui s'appelle la masse de calcul de la réserve. C'est sur cette masse de calcul que la réserve est effectivement calculée, par application du taux approprié : selon les cas 1/4, 1/3 ou 1/2 (voir nos 29265).

Exemple

Monsieur Lebleu est veuf avec trois enfants. Quelques mois avant sa mort, il a donné 300 000 € à sa cousine. A son décès, il laisse des biens pour 800 000 €. Il avait souscrit un emprunt immobilier pour lequel 150 000 € restent à rembourser ; ses autres dettes s'élèvent à 15 000 €. Par testament, il a légué 50 000 € à une association de protection des animaux.

Biens à prendre en compte :

800 000 €

 

Dettes à déduire :

- 165 000 €

 

Actif net de la succession :

= 635 000 €

635 000 €

Donations à ajouter :

 

+ 300 000 €

Masse de calcul de la réserve :

 

= 935 000 €

Montant de la réserve en présence de trois enfants : 935 000 € × 3/4 = 701 250 €. Chaque enfant a droit à un minimum de 233 750 € dans la succession de son père.

L'évaluation des donations pour le calcul de la réserve

Les règles d'évaluation des donations pour le calcul du rapport étudiées aux nos 30112 s. sont transposables au calcul de la réserve, sauf en ce qui concerne la date à laquelle les biens doivent être évalués : ce n'est pas à l'époque du partage, mais au jour du décès qu'il convient de se placer (C. civ. art. 922 ; pour une illustration, Cass. 1e  civ. 22-10-2014 no  13-24.034 : BDP 2/14 inf. 48).

Rappelons que, par exception, les biens ayant fait l'objet d'une donation-partage sont en principe définitivement évalués à la date de la donation-partage.

Reprenons l'exemple de monsieur Lebleu et supposons que, avec les 300 000 € qu'il lui a donnés, sa cousine a acheté un appartement d'une valeur au jour du décès de 350 000 €. La masse de calcul de la réserve sera de 985 000 € (et non de 935 000 €) et la réserve elle-même de 738 750 € (et non de 701 250 €).

Comment savoir si la réserve a été respectée ?

Une fois que la réserve a été calculée, on obtient par différence le montant du patrimoine dont le défunt a pu disposer à sa guise et qui s'appelle la quotité disponible.

Pour savoir si la réserve des héritiers est respectée, il suffit ensuite de comparer au montant de cette quotité disponible la valeur, au jour du décès, des donations consenties par le défunt :

  • si la valeur des donations au jour du décès excède la quotité disponible, les enfants (ou le conjoint survivant) ne peuvent pas recevoir leur part de réserve. Les donations sont réductibles, étant toutefois précisé que les donations au conjoint peuvent s'imputer sur l'usufruit de la réserve des descendants, en raison de l'existence d'une quotité disponible spéciale entre époux ;
  • si la valeur des donations est inférieure ou égale à la quotité disponible, les enfants (ou le conjoint) peuvent recevoir leur part de réserve et il n'y aura pas lieu à réduction.

Si l'on reprend l'exemple de monsieur Lebleu avec la réserve de 738 750 € sur une masse de calcul de 985 000 €, le montant de la quotité disponible s'élève à 985 000 € - 738 750 €, soit 246 250 €. La donation à la cousine, qui est évaluée à 350 000 € au jour du décès, excède le montant de la quotité disponible et empiète par conséquent sur la réserve des enfants. Ces derniers pourront demander la réduction de la donation à 246 250 €, soit une réduction de 103 750 €.

Comment fonctionne la réduction ?

La réduction n'est jamais automatique : les héritiers réservataires doivent la demander après avoir accepté la succession.

La réduction s'exerce en principe en valeur (C. civ. art. 924). Le bénéficiaire de la libéralité garde le bien qui lui a été donné ou légué et indemnise les héritiers réservataires. L'indemnité de réduction est acquittée au moment du partage, sauf accord contraire entre les cohéritiers. Elle est calculée sur la valeur des biens à l'époque du partage (et non au jour du décès) d'après leur état au jour de la libéralité (C. civ. art. 924-2). S'agissant d'un legs, ce jour est celui où le légataire a été en mesure d'en prendre possession (Cass. 1e  civ. 28-5-2015 no  14-15.115).

Si le donataire ou légataire le souhaite, il a le droit d'exécuter la réduction en nature (C. civ. art. 924-1). Seule condition requise : le bien doit être libre de toute charge ou occupation de son fait (la condition est la même que pour le rapport en nature).

La réduction en nature conduit le bénéficiaire de la donation à rendre ce qui lui a été donné. Dans le cas d'un legs, la réduction en nature aboutit à rendre le legs caduc : le légataire ne recevra rien. Si la réduction n'est que partielle, il va y avoir indivision entre le bénéficiaire de la donation ou du legs et les héritiers réservataires.

Ajoutons qu'il existe un autre cas - exceptionnel - de réduction en nature : celui où le bien a été donné ou vendu par le bénéficiaire de la donation ou du legs et où ce dernier est totalement insolvable. Dans cette situation, les héritiers réservataires peuvent sous certaines conditions exercer la réduction en nature contre la personne qui a acquis le bien (C. civ. art. 924-4).

Le délai pour exercer l'action en réduction des donations ou des legs qui empiètent sur la réserve est de cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou de deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve avec un maximum de dix ans à compter du décès (C. civ. art. 921).

Renoncer à la réduction

Il est toujours possible de renoncer à demander la réduction.

Le plus souvent, c'est après l'ouverture de la succession que les héritiers réservataires renoncent à demander la réduction des libéralités qui empiètent sur leur part de réserve. En pratique, une telle renonciation est surtout fréquente lorsque le bénéficiaire de la libéralité excessive est le conjoint survivant ; l'enfant commun qui renonce à l'action a la perspective (mais non l'absolue certitude) qu'il retrouvera dans la succession du survivant de ses parents la fraction des biens qui aura échappé à la réduction. Cette renonciation est généralement tacite, mais elle peut être expresse, auquel cas elle prend la forme d'un acte dit « de consentement à exécution de donation ».

Plus rarement, la renonciation à l'action en réduction est faite par avance, ce qui suppose un acte authentique spécial et un bénéficiaire déterminé pour la renonciation : voir nos 29286 et 29287.

L'ordre de la réduction

Si le défunt a consenti plusieurs donations, c'est la date des différentes donations qui fait la différence : la plus récente est réduite la première ; si ce n'est pas suffisant pour reconstituer la réserve, on réduit l'avant-dernière donation, puis l'avant-avant-dernière, et ainsi de suite jusqu'à ce que les héritiers aient reçu leur réserve (C. civ. art. 923).

Plus une donation est ancienne, plus elle a donc de chances d'être maintenue. Réciproquement, plus une donation est récente, plus le risque de réduction est grand.

S'il y a à la fois des legs et des donations, ce sont les legs qui sont réduits en premier. Dans l'exemple de monsieur Lebleu (no 30154), le legs de sommes d'argent fait à l'association de protection des animaux sera caduc et l'association ne recevra rien.

S'il n'y a que des legs qui empiètent sur la réserve, ils sont réduits en même temps, proportionnellement à leur montant (C. civ. art. 926).

Les donations au dernier vivant entre époux sont traitées comme des legs, et non comme des donations. Si le défunt a fait de nombreuses donations au cours de sa vie, la donation au dernier vivant risque de ne pas pouvoir être exécutée. Rappelons cependant que la part de succession susceptible d'être laissée au conjoint excède la quotité disponible normale, puisqu'il existe une quotité disponible dite spéciale entre époux.

Cas particulier des donations aux enfants

Il arrive assez souvent que les donations à réduire aient pour bénéficiaire un héritier réservataire. C'est le cas, notamment, lorsqu'un enfant a été avantagé par rapport à ses frères et soeurs.

Le traitement des donations consenties à l'enfant avantagé dépend en grande partie de leur caractère rapportable ou non (C. civ. art. 919-1 et C. civ.919-2) :

  • s'il s'agit d'une donation en avancement de part successorale, le montant de la donation s'impute d'abord sur la part de réserve du bénéficiaire, et seulement ensuite si nécessaire sur la quotité disponible ;
  • s'il s'agit d'une donation hors part successorale, son montant s'impute uniquement sur la quotité disponible, l'excédent éventuel étant réductible.

Monsieur Lejaune a deux enfants, Pierre et Paul. Pierre a reçu une donation de 50 000 € (valeur au jour du décès). Paul n'a rien eu. A sa mort, monsieur Lejaune laisse des biens d'une valeur de 150 000 € et des dettes de 20 000 €.

Biens à prendre en compte :

150 000 €

 

Dettes à déduire :

- 20 000 €

 

Actif net de la succession :

= 130 000 €

130 000 €

Donation à ajouter :

 

+ 50 000 €

Masse de calcul de la réserve :

 

= 180 000 €

Montant de la réserve : 180 000 € × 2/3 = 120 000 €. Chaque enfant a droit à une réserve de 60 000 €.

Quotité disponible : 60 000 €.

Si la donation à Pierre est rapportable, elle s'impute sur sa part de réserve et ne touche pas la quotité disponible. Pierre a donc reçu 50 000 € sur ses 60 000 € de réserve. La quotité disponible de 60 000 € reste entièrement libre pour d'autres donations.

Si la donation à Pierre lui a été consentie hors part successorale, elle s'impute sur la quotité disponible. Pierre n'a rien reçu de sa réserve et a pris 50 000 € sur la quotité disponible, qui n'est plus que de 10 000 €.

C.  L'indivision et le partage de la succession
Qu'est-ce que l'indivision ?

Après le décès, les biens du défunt appartiennent en commun à ses héritiers, sans que les parts respectives de chacun soient matériellement individualisées : c'est l'indivision. Elle ne prendra fin que lorsque sera fait le partage, parfois des années plus tard.

Les héritiers ont le choix d'organiser ou non cette indivision plus ou moins forcée dans laquelle ils se trouvent après le décès.

Si les héritiers n'organisent pas l'indivision

C'est l'indivision dite légale, dans laquelle la loi définit les pouvoirs des héritiers (C. civ. art. 815 à C. civ.815-18).

Les actes utiles ou nécessaires à la conservation du bien (par exemple, des réparations d'urgence ou la souscription d'un contrat d'assurance) peuvent être effectués par un indivisaire seul.

Peuvent être pris à la majorité des deux tiers des droits indivis les actes d'administration, c'est-à-dire les actes de gestion courante (y compris la conclusion et le renouvellement des baux d'habitation et des baux professionnels, mais non des baux commerciaux), ainsi que les ventes de biens meubles si c'est pour payer les dettes et les charges de l'indivision. C'est de la même façon à la majorité des deux tiers qu'un mandat d'administration pourra être donné à l'un des indivisaires pour gérer les biens.

Toutes les décisions prises à la majorité des deux tiers doivent être portées à la connaissance des autres indivisaires.

L'unanimité est en principe obligatoire pour tous les autres actes : renouvellement d'un bail commercial, décision de vendre le bien ou d'y réaliser des travaux non urgents, etc.

Toutefois, depuis le 14 mai 2009, la vente d'un bien indivis peut, sous certaines conditions, intervenir à la majorité des deux tiers des droits indivis (C. civ. art. 815-5-1). Cette possibilité s'applique, même si l'indivision est née avant cette date (Cass. 1e  civ. 15-1-2014 no  12-28.378 : Bull. civ. I no  3). La procédure à suivre est la suivante : le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis doivent exprimer leur intention de vendre auprès d'un notaire. Dans le mois qui suit, ce dernier doit en informer les autres indivisaires. Si l'un ou plusieurs d'entre eux s'opposent à la vente ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois, le notaire le constate dans un procès-verbal. Le tribunal de grande instance peut alors autoriser la vente du bien si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des minoritaires. La vente sera obligatoirement réalisée aux enchères. A noter que ces règles ne s'appliquent qu'aux biens détenus par les indivisaires en pleine propriété.

Savoir

Majorité des deux tiers des droits indivis ne signifie pas majorité des deux tiers des héritiers. Par exemple, s'il y a quatre indivisaires à parts égales, il faudra l'accord de trois d'entre eux. Mais si sur les quatre indivisaires l'un détient la moitié des droits, les trois autres se partageant l'autre moitié par parts égales (16,66666 % chacun), celui qui détient 50 % des droits n'aura besoin de convaincre que l'un des trois autres.

Quels sont les droits des héritiers dans l'indivision légale ?

En principe, chacun peut utiliser les biens indivis, à condition d'indemniser les autres (C. civ. art. 815-9, al. 2). Par exemple, si l'héritage comprend un appartement, l'un des héritiers peut demander à y vivre : il paiera une indemnité d'occupation aux autres indivisaires. Le montant de cette indemnité est fixé à l'amiable entre les différents héritiers. A défaut d'accord sur le montant de l'indemnité ou si plusieurs héritiers veulent utiliser le même bien, c'est le juge qui tranche (demande à adresser au président du tribunal de grande instance par l'intermédiaire d'un avocat).

Si un héritier refuse de remettre les clés d'un appartement indivis aux autres propriétaires, il peut être condamné à leur verser une indemnité d'occupation même s'il n'habite pas cet appartement. Car, en empêchant ses cohéritiers d'y accéder, il est le seul en pratique à pouvoir en disposer.

En revanche, l'épouse survivante qui recueille l'usufruit de tous les biens de la succession ne doit aucune indemnité pour l'occupation de l'un d'eux, elle seule ayant le droit d'en jouir (Cass. 1e  civ. 15-5-2013 no  11-24.217 : Bull. civ. I no  96).

Si des revenus sont produits par l'indivision, dividendes, loyers, fermages, etc., ils tombent dans la masse commune et deviennent eux-mêmes indivis (C. civ. art. 815-10, al. 2). En pratique, chaque héritier a le droit de demander à toucher ces revenus chaque année à hauteur de sa part dans l'indivision.

Un héritier peut demander une avance sur ses droits futurs dans le partage au président du tribunal de grande instance. L'avance lui sera accordée s'il existe des fonds disponibles (C. civ. art. 815-11, al. 3).

Conclure une convention d'indivision

Les héritiers qui souhaitent rester dans l'indivision pendant un certain temps ont tout intérêt à conclure une convention d'indivision (C. civ. art. 1873-1 s.). Il s'agit d'un accord écrit qui fait la liste de tous les biens de l'indivision et précise les droits des différents indivisaires (par exemple, 1/6e  pour X, 1/3 pour Y et 1/2 pour Z). Si l'indivision comprend un immeuble, la convention doit être faite par acte notarié publié au service de la publicité foncière. Si cette formalité n'est pas effectuée, la convention n'en reste pas moins valable (Cass. 1e  civ. 10-7-2013 no  12-12.115 : Bull. civ. I no  154, BPAT 5/13 inf. 192). Mais les tiers subissant un préjudice du fait de ce défaut de publication pourront demander des dommages et intérêts (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 30, 4).

La convention indique les conditions dans lesquelles chacun peut utiliser les biens indivis : par exemple, la jouissance de l'appartement au frère et de la maison de campagne à la soeur.

La convention peut être conclue pour une durée déterminée de cinq ans au maximum, renouvelable. Le fait de prévoir un terme interdit en principe aux indivisaires de demander le partage avant l'échéance. La convention d'indivision peut également être conclue pour une durée indéterminée, auquel cas le partage reste possible à tout moment.

Les indivisaires peuvent à l'unanimité désigner un gérant auquel ils confient des pouvoirs pour administrer les biens indivis (mise en location, perception des revenus, etc.). Le gérant peut être choisi parmi les indivisaires ; il peut aussi s'agir d'un professionnel (un administrateur de biens, par exemple).

La convention d'indivision prévoit dans quelles conditions il est mis fin aux pouvoirs du gérant. En cas de problème, les indivisaires peuvent s'adresser au tribunal pour obtenir la révocation du gérant dont les fautes de gestion compromettraient l'indivision.

L'enfant qui a aidé ses parents

Il arrive fréquemment qu'au sein d'une famille l'un des enfants se soit occupé de ses parents devenus âgés. Cette assistance, qui peut prendre des formes diverses (aide dans les tâches de la vie courante, aide financière, hébergement, soins, etc.), a pu durer plusieurs années. Après le décès du parent qu'il a aidé, l'enfant peut-il être indemnisé ? Tout dépend des circonstances.

Si les parents étaient dans le besoin

L'aide apportée correspond à l'exécution par l'enfant d'une obligation alimentaire (C. civ. art. 205). Cette obligation incombe légalement à tous les enfants qui doivent y participer en fonction de leurs facultés respectives. De ce fait, celui qui l'a assumée seul peut demander à ses frères et soeurs de lui rembourser la quote-part à leur charge dont ils ne se sont pas acquittés. Cette demande peut être effectuée du vivant du parent aidé mais également après son décès. S'il règne une bonne entente au sein de la famille, la quote-part qui doit être remboursée pourra être estimée d'un commun accord et son montant prélevé sur l'actif de la succession. En cas de mésentente, l'enfant devra agir en justice contre ses frères et soeurs pour être autorisé à prélever cette somme sur la succession (action dite « subrogatoire »).

Si les parents n'étaient pas dans le besoin

L'enfant qui aide ses parents ne fait qu'exécuter à leur égard un devoir moral d'assistance qui exclut, en principe, toute indemnisation. Cependant, si l'aide fournie a excédé les exigences de la piété filiale et entraîné à la fois un appauvrissement de l'enfant et un enrichissement des parents, l'enfant peut prétendre à une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Il a été jugé par exemple qu'excédait les exigences de la piété filiale le fait de prendre en charge une mère atteinte d'une affection de longue durée au cours des dix dernières années de sa vie et de lui éviter l'assistance d'une tierce personne salariée et un séjour en maison de retraite (Cass. 1e  civ. 6-7-1999 no  97-20.398) ou encore d'héberger et de soigner une mère grabataire et d'éviter ainsi des frais importants qui auraient grevé le patrimoine successoral (Cass. 1e  civ. 5-1-1999 no  96-20.151).

Si l'enfant n'a subi aucun appauvrissement, en raison des avantages dont il a pu lui-même bénéficier (par exemple, il vivait dans la maison familiale sans payer de loyer et a hérité de la quotité disponible des biens du parent auquel il a prodigué des soins), il ne peut prétendre à aucune indemnisation (Cass. 1e  civ. 23-1-2001 no  98-22.937).

Le plus souvent, l'indemnisation prend la forme d'une indemnité que l'enfant prélève sur la succession du parent secouru. Si de son vivant le parent a versé des sommes d'argent à l'enfant qui s'est occupé de lui, l'indemnisation peut consister en une dispense pour l'enfant de rapporter ces sommes à la succession (Cass. 1e  civ. 3-11-2004 no  01-15.176).

En pratique, ce n'est qu'en cas de mésentente familiale que l'enfant dévoué doit s'adresser aux tribunaux pour faire reconnaître son droit à indemnisation et faire chiffrer celui-ci. Il doit alors prouver (au moyen de factures, d'un état récapitulatif des soins et dépenses effectués) que le temps, les soins et les frais qu'il a consacrés à ses parents ont excédé le seul devoir moral d'assistance.

A noter que les droits de succession ne sont pas dus sur l'indemnité prélevée sur la succession au titre de la dette d'assistance.

Conseils pratiques

Pour prévenir tout conflit entre les héritiers, les parents ont intérêt à établir un acte (testament, acte sous seing privé que l'on pourra faire contresigner par un avocat ou acte notarié) pour constater l'aide que leur procure l'un de leurs enfants et lui reconnaître un droit à indemnisation. Un tel acte facilitera à ce dernier la preuve de son droit face à ses frères et soeurs.

Plus efficace encore sera de prévoir une compensation pour l'enfant dévoué en lui consentant une donation hors part successorale de tout ou partie de la quotité disponible (1/3 des biens s'il y a deux enfants, 1/4 s'ils sont au moins trois). N'étant pas rapportable à la succession, une telle donation confère à l'enfant qui la reçoit un avantage sur ses frères et soeurs puisque les biens donnés lui reviendront en plus de sa part dans la succession.

S'ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se déposséder de leurs biens de leur vivant, les parents peuvent faire un legs à leur enfant ou l'instituer seul bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie dont ils seraient titulaires (avantage de l'assurance-vie : les sommes reçues par le bénéficiaire le sont hors succession et sont de ce fait en principe exonérées de tout impôt).

Comment sortir de l'indivision ?

Trois solutions permettent de sortir de l'indivision.

Un héritier peut sortir individuellement de l'indivision, en donnant ou en vendant sa part dans l'indivision ou dans un bien déterminé. Attention cependant, si un indivisaire veut vendre sa quote-part à quelqu'un d'extérieur à l'indivision, il doit d'abord en informer par acte d'huissier les autres indivisaires : les membres de l'indivision ont le droit d'acquérir en priorité, par préférence au tiers, la part cédée dans l'indivision (C. civ. art. 815-14). La notification doit préciser le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de celui qui se propose d'acquérir.

L'héritier qui a notifié aux autres son projet de céder ses droits peut toutefois renoncer à vendre, même si un autre indivisaire a manifesté son intention d'acheter (Cass. 1e  civ. 9-2-2011 no  10-10.759 : Bull. civ. I no  25).

La vente à une personne extérieure à l'indivision est nulle si l'information n'a pas été faite ou est irrégulière. Par exemple, la vente est nulle si elle est réalisée au profit d'une société alors qu'il avait été notifié aux indivisaires qu'elle devait intervenir au profit des deux associés de cette société. La nullité peut être demandée pendant cinq ans à compter du jour où les coïndivisaires du vendeur ont eu connaissance de la vente (C. civ. art. 815-16 ; Cass. 1e  civ. 5-3-2014 no  12-28.348 : Bull. civ. I no  25).

Les héritiers peuvent sortir collectivement de l'indivision par la vente du ou des biens indivis dont ils se partagent le prix. Sauf exception (no 30251), il faut l'accord de tous les indivisaires. Toutefois si l'un d'eux refuse, il peut être passé outre à son opposition avec l'autorisation du juge si le refus met en péril l'intérêt commun (par exemple, le juge peut autoriser la vente d'un bien indivis pour payer les droits de succession).

Enfin, les héritiers peuvent procéder au partage de tout ou partie des biens. Sauf convention d'indivision prévue pour une durée déterminée, il est toujours possible et à tout moment de demander le partage (C. civ. art. 815). Il y a deux sortes de partage : le partage amiable et le partage judiciaire.

Le partage amiable

L'initiative du partage amiable peut être collective. Elle peut aussi être individuelle et venir, par exemple, d'un indivisaire qui n'arrive pas à vendre sa part aux autres et va les convaincre de l'intérêt de procéder au partage.

La réalisation d'un partage amiable suppose en principe que les indivisaires soient d'accord sur le principe du partage et sur la répartition des biens entre eux. Cependant, si l'opposition d'un seul des indivisaires fait obstacle au partage amiable, il est possible de passer outre l'inertie d'un héritier qui, sans s'opposer au partage, s'abstient de faire connaître sa volonté. Ceux qui veulent réaliser le partage amiable doivent mettre en demeure l'héritier passif (en faisant appel à un huissier) de se faire représenter au partage amiable. L'héritier a trois mois pour désigner un mandataire. S'il ne le fait pas, ses cohéritiers peuvent demander au juge de désigner quelqu'un qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage (C. civ. art. 837).

Si les héritiers reçoivent des biens dont la valeur ne correspond pas à leurs droits dans l'héritage, le partage peut être rééquilibré par le versement de sommes d'argent appelées soultes. A défaut, l'inégalité des lots est admise dans certaines limites. Ce n'est que si l'un des indivisaires reçoit moins des trois quarts de ce qu'il aurait dû recevoir que l'inégalité est sanctionnée, l'héritier lésé de plus du quart de ses droits pouvant exercer une action dite en complément de part. Le partage ne sera pas remis en cause, mais il aura droit à un complément en nature ou en argent à recevoir de son ou ses cohéritiers. Cette action doit être exercée dans les deux ans du partage (C. civ. art. 889).

Savoir

La présence d'un mineur non émancipé ou d'un majeur sous tutelle n'interdit pas le partage amiable, mais des formalités particulières sont nécessaires. Par exemple, pour une succession à laquelle participe un enfant qui n'a plus qu'un de ses parents, il faut l'autorisation préalable du juge, qui désigne s'il y a lieu un notaire pour procéder au partage. Le juge des tutelles doit ensuite approuver l'état liquidatif.

Le partage judiciaire

Lorsque le partage amiable n'est pas possible (par exemple, parce que l'un des indivisaires s'y oppose), l'un des héritiers peut demander un partage judiciaire au tribunal de grande instance du dernier domicile du défunt (C. civ. art. 840 s.). Il doit joindre à sa demande un descriptif sommaire du patrimoine à partager, indiquer ses intentions quant à la répartition des biens et exposer les diligences qu'il a accomplies pour parvenir à un partage amiable.

Si la situation est simple, le tribunal ordonne le partage et renvoie, le cas échéant, les cohéritiers devant un notaire pour établir l'acte de partage et procéder aux publications obligatoires (notamment pour les immeubles). Le tribunal peut recourir aux services d'un expert pour évaluer les biens et composer les lots.

Dans les situations plus complexes, le tribunal désigne un notaire pour réaliser les opérations de partage et un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire a un an pour établir l'état liquidatif, document qui établit les comptes entre les héritiers, détermine la masse à partager, fixe les droits de chacun et la composition des lots à répartir. A l'issue du délai d'un an (éventuellement prolongé par le juge), et si le projet de partage convient aux héritiers, la procédure prend fin. Dans le cas contraire, le notaire transmet au juge un procès-verbal reprenant les contestations du ou des héritiers quant à l'état liquidatif. Le tribunal statue sur les points de désaccord.

Savoir

Le partage judiciaire s'effectue en principe par tirage au sort des lots entre les indivisaires. Si c'est impossible (par exemple, parce qu'il n'y a qu'une maison à partager), le tribunal peut ordonner la vente aux enchères des biens. Si tous les héritiers concourant au partage sont présents ou représentés et s'il n'y a parmi eux aucun incapable (mineur ou majeur protégé), ils peuvent décider que l'adjudication ne se déroulera qu'entre eux.

La formation des lots

La masse des biens à partager comprend les biens existant au jour du décès, les revenus produits par ces biens, les dettes des copartageants envers le défunt ou l'indivision ainsi que les indemnités de rapport et/ou de réduction (ou la valeur à laquelle sont estimés les biens rapportés en nature ou réduits en nature, à hauteur de la quote-part réductible).

Les biens existant lors de l'ouverture de la succession sont évalués à la date de la jouissance divise fixée par l'acte de partage en tenant compte des charges qui peuvent les grever. Cette date doit être la plus proche possible du partage, mais le juge peut retenir une date plus ancienne si ce choix apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité (C. civ. art. 829).

Chaque indivisaire doit recevoir dans le partage un lot égal à ses droits dans l'indivision (C. civ. art. 826). Si la consistance de la masse des biens à partager ne permet pas de former des lots assurant à chacun de recevoir un lot d'une valeur égale à ses droits, l'égalité est rétablie par une soulte, c'est-à-dire une somme d'argent versée par celui qui reçoit un lot supérieur à ses droits. En principe, la soulte est payable comptant, mais celui qui en est redevable peut obtenir des délais de paiement.

Qu'est-ce que l'attribution préférentielle ?

Au moment du partage, un héritier peut parfois obtenir un bien par préférence aux autres héritiers : c'est l'attribution préférentielle (C. civ. art. 831 à C. civ.834). Cette possibilité n'existe que pour certains biens : essentiellement les entreprises, le logement et, dans les successions ouvertes depuis le 18 février 2015, le véhicule du défunt. Nous ne nous intéresserons qu'à ces deux derniers biens.

Le conjoint survivant, le partenaire pacsé survivant ou tout héritier peut demander, sous réserve qu'il en soit copropriétaire, l'attribution préférentielle du logement et/ou du véhicule du défunt (C. civ. art. 831-2 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015). S'agissant du logement, l'attribution préférentielle, qui peut porter sur la propriété ou le droit au bail du local et du mobilier le garnissant, suppose que le demandeur y avait sa résidence à l'époque du décès. S'agissant du véhicule, ce dernier doit être nécessaire au demandeur pour les besoins de la vie courante ou l'exercice de sa profession.

On attirera l'attention sur le fait que l'attribution préférentielle ne peut pas jouer lorsque le bien est en indivision entre les héritiers et un tiers (Cass. 1e  civ. 15-1-2014 nos  12-25.322 : Bull. civ. I no  4, concernant le logement).

Si les héritiers ne sont pas d'accord entre eux, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal de grande instance. Le juge se prononce en fonction des intérêts en présence, sachant cependant que le conjoint survivant a priorité sur les autres héritiers pour l'attribution préférentielle du logement et de son mobilier, ainsi que pour celle du véhicule du défunt (C. civ. art. 831-3, al. 1 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015). L'attribution préférentielle du logement, du mobilier et du véhicule est également de droit pour le partenaire de Pacs, mais uniquement si le défunt l'a expressément prévu par testament (C. civ. art. 515-6, al. 2).

Le coût du partage

Lorsque le partage est fait par acte notarié, le notaire prélève des honoraires en fonction de la valeur des biens partagés. Le barème de ces honoraires (montants hors TVA) est le suivant (Décret 78-262 du 8-3-1978 Tableau I no  63) :

  • de 0 à 6 500 € : 5 % ;
  • au-dessus de 6 500 € et jusqu'à 17 000 € : 2,0625 % ;
  • au-dessus de 17 000 € et jusqu'à 60 000 € : 1,375 % ;
  • au-dessus de 60 000 € : 1,03125 %.

Le notaire va également percevoir, cette fois pour le compte du Trésor public, un droit de partage sur les biens partagés. Ce droit de partage est détaillé plus loin, avec l'étude du coût fiscal du règlement d'une succession.

Enfin, le partage de certains biens implique des formalités particulières et donc des frais en plus.

Notamment, le partage d'un immeuble devra être publié au service de la publicité foncière, formalité qui sera également prise en charge par le notaire (coût : 0,1 % de la valeur de l'immeuble).

Aide sociale : faudra-t-il rembourser au décès du bénéficiaire ?

Certaines aides sociales ne sont accordées qu'à titre d'avance et peuvent être récupérées en tout ou partie au décès du bénéficiaire sur ses héritiers, légataires ou donataires.

Toutes les aides sociales sont-elles récupérables ?

Non. Ne sont pas récupérables les prestations ci-dessous, sauf si elles ont été versées indûment ou par erreur au défunt :

  • l'AAH (allocation aux adultes handicapés) ;
  • l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) ;
  • la prestation de compensation ;
  • l'ACTP (allocation compensatrice pour tierce personne) ;
  • le RSA (revenu de solidarité active).

Les autres aides sociales sont récupérables, dans des proportions variables.

Lorsqu'il y a plusieurs héritiers, la somme à rembourser est répartie entre eux en fonction de leur part successorale. Celui qui renonce à la succession échappe à la récupération.

Quel est le montant de la récupération ?

Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et allocation supplémentaire d'invalidité (ASI)

Destinées à compléter les pensions de vieillesse et d'invalidité des personnes ayant des ressources insuffisantes, ces allocations peuvent être récupérées en tout ou en partie sur les héritiers et légataires, mais uniquement sur la part de l'actif net successoral qui dépasse 39 000 €. Elles ne sont pas récupérables contre le donataire (CSS art. L 815-13ASPA et CSSD 815-4 pour l'Aspa ; CSS art. L 815-28ASI et CSSD 815-20 pour l'ASI).

Le recouvrement sur la part du conjoint survivant (ou sur la part du concubin ou du partenaire de Pacs survivant) peut être différé jusqu'à son décès. Il en est de même en ce qui concerne les héritiers qui étaient à la charge de l'allocataire à la date de son décès et qui, à cette date, avaient au moins 65 ans ou étaient atteints d'une invalidité (CSS art. D 815-7).

Aides à l'hébergement des personnes âgées

Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements de type maison de retraite, long séjour, logement-foyer ou placement familial pris en charge par l'aide sociale sont récupérables sur les héritiers et légataires, ainsi que sur les donataires, sans aucun abattement et dès le premier euro (CASF art. L 132-8). Le recours peut s'exercer contre toute donation, y compris en usufruit (CE 15-4-2015 no  365655).

Autres aides sociales pour les personnes âgées

Accordées sous différentes formes (prestations à domicile, aide médicale à domicile, aide ménagère, prise en charge du forfait hospitalier), elles sont récupérables sur les héritiers et légataires universels et à titre universel sur la partie de l'actif net successoral supérieure à 46 000 €, et après application d'un abattement de 760 €. Elles sont récupérables sans abattement et dès le premier euro sur les légataires particuliers et sur les donataires (CASF art. L 132-8, CASFR 132-11 et CASFR 132-12).

Prestation spécifique dépendance (PSD)

La PSD a été remplacée depuis le 1er  janvier 2002 par l'APA, mais la récupération est possible tant que le délai de prescription (fixé à 5 ans à compter du moment où la caisse a pu avoir connaissance du décès) n'est pas écoulé : les sommes versées au titre de la PSD qui dépassent 760 € peuvent être récupérées sur les héritiers et sur les légataires universels et à titre universel sur la part nette de l'actif successoral supérieure à 46 000 €. Elles sont récupérables sans abattement et dès le premier euro sur les légataires particuliers et sur les donataires (CASF art. R 132-12).

Aides à l'hébergement des personnes handicapées

Les frais d'hébergement et de soins en établissement social ou médico-social sont en principe récupérables sur les héritiers et les légataires universels ou à titre universel sans aucun abattement et dès le premier euro. Par exception, ces aides ne sont pas récupérables contre les descendants, le conjoint, les parents ou la personne ayant exercé la charge effective de la personne handicapée. Elles ne sont pas non plus récupérables sur les légataires particuliers et les donataires (CASF art. L 344-5 et CASFL 344-5-1).

Autres aides sociales pour les personnes handicapées

Accordées sous différentes formes (prestations à domicile, aide médicale à domicile, aide ménagère), elles sont en principe récupérables sur les héritiers et les légataires universels ou à titre universel, mais seulement sur la partie de l'actif net successoral supérieure à 46 000 € et après application d'un abattement de 760 €. Par exception, ces aides ne sont pas récupérables contre les descendants, les parents, le conjoint ou la personne ayant exercé la charge effective de la personne handicapée (CASF art. L 241-4). Elles sont récupérables sans abattement et dès le premier euro sur les légataires particuliers et les donataires (CASF art. L 132-8 et CASFR 132-12).

Qui décide de la récupération ?

Les actions en récupération des aides sociales sont exercées par les organismes qui ont attribué les aides, c'est-à-dire, selon la nature de l'aide, les départements ou l'Etat.

La récupération n'est pas systématique : la décision est prise par le président du conseil départemental ou le préfet, qui décide du principe de la récupération et de son montant ; il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie (CASF art. R 132-11). Certains départements recourent davantage à la récupération sur successions que d'autres.

Pour les donations, on notera que la récupération peut s'exercer alors même que la donation a été effectuée bien avant l'octroi des aides sociales : toutes les donations consenties dans les 10 ans qui ont précédé la demande d'aide sociale (de même bien sûr que toutes celles qui ont suivi) sont théoriquement récupérables. En pratique, tout dépend de l'objectif de la donation. Si elle n'avait pas pour but un appauvrissement du donateur mais au contraire, de permettre de le décharger de grosses réparations, le recours en récupération peut être rejeté (CE 17-5-1999 no  188870).

L'administration peut prendre une hypothèque sur les biens du bénéficiaire. Toutefois, cette hypothèque n'est pas possible pour les prestations d'aide sociale à domicile et le forfait journalier (CASF art. L 132-9).

Peut-on contester la décision de récupération ?

Oui, en formant un recours auprès de la commission départementale d'aide sociale. Le délai pour réagir est bref : pas plus de deux mois après la notification de la décision de récupération. En cas d'échec de cette démarche, on peut former un recours devant la commission centrale de l'aide sociale dans un délai maximal de deux mois après la notification de la décision de la commission départementale (CASF art. L 134-2). Dernière possibilité si ce recours est rejeté : on peut saisir dans un délai de deux mois le Conseil d'Etat, qui se prononcera sur la récupération et sur son montant (CASF art. L 134-3).

Cas particulier de la contestation d'une décision de récupération de l'Aspa ou de l'ASI : les commissions de recours amiable des caisses sont compétentes pour examiner les recours.

Récapitulatif des aides récupérables sur succession

Récapitulatif des aides récupérables sur succession

Nature de l'aide

Recours contre le donataire

Recours contre le légataire particulier

Recours contre l'héritier, le légataire universel ou à titre universel

AAH

non

non

non

ACTP

non

non

non

Prestation de compensation

non

non

non

Frais d'hébergement des handicapés

non

non

oui, sauf contre les descendants, le conjoint, les parents ou la personne ayant exercé la charge effective de la personne

Frais d'hébergement des personnes âgées

oui

oui

oui

APA

non

non

non

Aspa et ASI

non

oui, si l'actif net successoral excède 39 000 €

oui, si l'actif net successoral excède 39 000 €

Aides à domicile (personnes âgées)

oui

oui

oui, si les aides versées excèdent 760 € et si l'actif net successoral est supérieur à 46 000 €

Aides à domicile (personnes handicapées)

oui

oui

oui, sauf contre les descendants, le conjoint, les parents ou la personne ayant exercé la charge effective de la personne ;

en cas de recours, bénéfice des seuils de 46 000 € et 760 €

PSD

oui

oui

oui, si les aides versées excèdent 760 € et si l'actif net successoral est supérieur à 46 000 €

Et l'assurance-vie ?

En principe, les capitaux versés dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie en cas de décès au bénéficiaire désigné par le défunt n'entrent pas dans la succession de celui-ci et échappent donc à ce titre à la récupération. Il en va toutefois autrement lorsque les primes versées par le défunt étaient manifestement exagérées.

La récupération est également possible lorsque le contrat d'assurance-vie constitue une donation indirecte. Les juges estiment que tel est le cas lorsque, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit (souscripteur âgé ou malade), le contrat révèle pour l'essentiel une intention libérale de la part du souscripteur envers le bénéficiaire. Ainsi jugé à propos d'un contrat portant sur environ 15 000 € et souscrit peu de temps avant son admission en maison de retraite par une femme de 89 ans, qui devait décéder cinq ans plus tard (Cass. 1e  civ. 13-3-2008 no  05-15.306).


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