Donner des biens de son vivant

La donation apporte une réponse immédiate aux besoins ou aux attentes du bénéficiaire (appelé donataire), ce qui n'est évidemment pas le cas d'un legs.

Pourquoi donner ?

La donation apporte une réponse immédiate aux besoins ou aux attentes du bénéficiaire (appelé donataire), ce qui n'est évidemment pas le cas d'un legs.

La donation peut également être un moyen d'éviter les conflits familiaux ultérieurs.

Enfin, la donation permet de réduire sensiblement le coût fiscal de la transmission du patrimoine.

Qui peut donner ?

Pour pouvoir faire une donation, il faut être majeur ou mineur émancipé : les mineurs non émancipés ne peuvent pas consentir de donation.

Il faut également être sain d'esprit, condition que nous avons déjà évoquée à propos du testament (C. civ. art. 901). Les héritiers du donateur ont cinq ans après le décès pour demander en justice la nullité de la donation pour insanité d'esprit (Cass. 1e  civ. 29-1-2014 no  12-35.341 : Bull. civ. I no  15).

Enfin, des règles particulières s'appliquent aux personnes placées sous un régime de protection des majeurs. Le majeur sous tutelle ne peut consentir une donation que sur autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué (C. civ. art. 476, al. 1). Le majeur sous curatelle doit être assisté de son curateur (C. civ. art. 470, al. 2). Seul le majeur sous sauvegarde de justice peut librement faire une donation.

Donner, c'est donner

Exception faite de certaines donations entre époux (no 29610), les donations sont irrévocables (C. civ. art. 894). Cela signifie que celui qui a donné un bien ne pourra jamais revenir sur sa décision, même s'il se brouille ensuite avec le donataire ou rencontre de graves difficultés financières. Il faut donc faire attention avant de s'engager et ne pas se dépouiller inconsidérément.

Pour atténuer le principe d'irrévocabilité, la loi a quand même prévu trois catégories d'événements exceptionnels qui vont autoriser la remise en cause d'une donation : la naissance d'un premier enfant chez le donateur, l'ingratitude du bénéficiaire et l'inexécution des charges imposées au bénéficiaire dans l'acte de donation (C. civ. art. 953 à C. civ.966).

Le donateur n'avait pas d'enfant

A l'exception des donations entre époux (ou entre futurs époux par contrat de mariage), toutes les donations sont susceptibles d'être révoquées pour survenance d'enfant. La situation visée est celle où le donateur n'a aucun descendant vivant à la date de la donation, et où il a ensuite un enfant (biologique ou adoptif, pourvu que ce soit par adoption plénière).

Si la donation a été consentie depuis le 1er  janvier 2007, la révocation pour survenance d'enfant est en pratique exceptionnelle : elle n'est possible que si elle a été prévue par l'acte de donation et il faut que le donateur la demande dans les cinq ans de la naissance ou de l'adoption plénière de son enfant ou de son dernier enfant, s'il en a plusieurs (C. civ. art. 960 et C. civ.966). Le donateur peut à tout moment renoncer à exercer son droit.

Pour les donations consenties avant le 1er  janvier 2007, la révocation pour survenance d'enfant est automatique (C. civ. art. 960 dans sa rédaction antérieure à la loi 2006-728 du 23-6-2006). Le donateur n'a pas à la demander et il ne peut pas y renoncer. S'il veut maintenir sa donation, il doit en faire une nouvelle.

Savoir

Lorsqu'une donation est révoquée pour survenance d'enfant, le bien donné doit être restitué au donateur. Si le donataire a consenti une hypothèque sur le bien, elle est annulée. Le donateur récupère le bien débarrassé de cette hypothèque (C. civ. art. 963). Si le bien donné a été vendu, la vente est annulée. S'agissant d'un meuble, celui qui l'a acheté de bonne foi pourra toutefois le conserver en invoquant le principe selon lequel « en fait de meubles, la possession vaut titre » (C. civ. art. 2276).

Les droits de donation qui ont été initialement payés sont restituables (BOI-ENR-DG-20-20-70 no  190).

Le bénéficiaire est un ingrat

En règle générale, l'ingratitude du bénéficiaire d'une donation est juridiquement sans conséquence. Il en va toutefois autrement lorsque cette ingratitude dépasse les bornes. C'est évidemment le cas lorsque le bénéficiaire a essayé de tuer le donateur. Mais c'est également le cas s'il y a eu sévices ou injures graves ou encore refus de fournir un secours alimentaire au donateur (C. civ. art. 955).

La révocation n'est jamais automatique (C. civ. art. 956). Elle doit être demandée en justice. Le donateur doit agir vite : le délai pour saisir le tribunal est seulement d'un an. Ce délai, qui ne peut être ni interrompu ni suspendu, démarre le jour où le donateur a eu connaissance des faits. Si les faits reprochés constituent une infraction pénale (coups et blessures, par exemple), le point de départ du délai d'un an est reporté au jour où la condamnation pénale de l'ingrat est devenue définitive (Cass. 1e  civ. 19-3-2014 no  13-15.662 : Bull. civ. I no  43). Encore faut-il, toutefois, que le donateur ait porté plainte avant l'expiration du délai d'un an (Cass. 1e  civ. 18-12-2013 no  12-26.571 : Bull. civ. I no  246).

Ce sont les juges qui apprécient si les faits reprochés sont suffisamment graves pour justifier la remise en cause de la donation. Parce que le principe est celui de l'irrévocabilité des donations, la révocation est rarement prononcée par les tribunaux, qui font preuve d'une grande tolérance à l'égard du donataire ingrat. Par exemple, insulter ses parents, frapper violemment sa mère ou lui voler des bijoux, autant de faits qui n'ont pas été jugés assez graves, compte tenu du contexte familial, pour justifier la révocation des donations reçues par les enfants (CA Montpellier 30-3-1998 no  96/88, 5e  ch. A : BPAT 1/99 inf. 39). Mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser : traiter son père adoptif de « lâche » et d'« idiot », lui reprocher une longue liaison adultère et, surtout, lui dénier la qualité de père à raison de l'absence de liens de parenté par le sang (« d'ailleurs tu n'es pas mon père ») en refusant de s'en excuser ensuite constituent des injures d'une particulière gravité qui justifient la révocation de la donation faite à l'enfant (Cass. 1e  civ. 21-2-2006 no  02-14.407 : Bull. civ. I no  81).

En tout état de cause, seuls des faits postérieurs à la donation peuvent fonder une demande en révocation pour ingratitude. Ainsi, même s'il n'en a eu connaissance qu'après la donation, le donateur ne peut pas invoquer les détournements de chèques que son fils a commis à son détriment avant la donation pour demander la révocation de celle-ci (Cass. 1e  civ. 9-1-2008 no  06-20.108 : Bull. civ. I no  3, BPAT 2/08 inf. 60).

Savoir

La révocation pour cause d'ingratitude entraîne la restitution du bien donné au donateur. Si le donataire a consenti une hypothèque sur le bien, celle-ci est maintenue et le donateur récupère l'immeuble grevé de cette hypothèque. De même, si le donataire a vendu le bien, la vente est maintenue. Mais le donateur peut alors exiger du donataire qu'il lui rembourse la valeur du bien (C. civ. art. 958).

Les droits de donation qui ont été initialement payés ne sont pas restituables (CGI art. 1961, al. 1).

Le bénéficiaire ne remplit pas ses obligations

Il arrive qu'une donation soit assortie de certaines obligations à la charge de son bénéficiaire. Par exemple, l'acte de donation prévoit que le bénéficiaire devra loger et nourrir le donateur sa vie durant ou l'entourer de soins.

Si le bénéficiaire n'exécute pas ses obligations, le donateur (ou après son décès, ses héritiers) pourra demander en justice la révocation de la donation, celle-ci n'ayant pas lieu de plein droit (C. civ. art. 956). L'action doit être exercée dans le délai de 5 ans à compter du jour où le bénéficiaire a cessé d'exécuter ses obligations (certains juristes estiment que le délai serait de 30 ans lorsque la donation porte sur un immeuble). Pour que l'inexécution des charges entraîne la révocation de la donation, deux conditions doivent être réunies : la charge doit avoir été la cause impulsive et déterminante de la libéralité et l'inexécution doit présenter un caractère de gravité suffisant et ne pas avoir pour origine une faute du donateur. Ce sont les juges qui apprécient si les faits reprochés sont suffisamment graves pour autoriser la remise en cause de la donation.

Il est admis que l'acte de donation peut prévoir expressément que la révocation pour inexécution des charges opérera de plein droit ; dans ce cas, les conditions ci-dessus ne s'appliquent pas et le juge est tenu de prononcer la résolution de la donation dès lors que l'inexécution des charges est établie, peu important sa gravité (Cass. 1e  civ. 25-9-2013 no  12-13.747 : Bull. civ. I no  181, BPAT 6/13 inf. 232).

La révocation pour inexécution des charges n'étant pas d'ordre public, le donateur peut y renoncer, y compris dans l'acte de donation.

Si le bénéficiaire de la donation meurt avant le donateur, l'obligation passe à ses héritiers. Par exemple, les héritiers du bénéficiaire mort prématurément devront continuer à payer la rente viagère prévue par la donation. S'ils ne le font pas, le donateur pourra agir en justice contre eux pour demander la révocation de la donation.

Savoir

Les effets de la révocation pour inexécution des charges sont les mêmes que ceux exposés à propos de la révocation pour survenance d'enfant (voir no 29412). Il existe toutefois une différence : les droits de donation initialement payés ne sont pas restituables (CGI art. 1961, al. 1).

Donner et reprendre : le droit de retour

Presque toujours prévu dans les donations de parents à enfants, le droit de retour permet au donateur de récupérer le bien qu'il a donné dans le cas où le bénéficiaire mourrait avant lui.

Deux options sont possibles : soit le retour du bien a lieu du seul fait que le bénéficiaire meurt avant le donateur, soit il faut en outre que le bénéficiaire de la donation soit décédé sans postérité (C. civ. art. 951). Dans ce dernier cas, le droit de retour joue lorsque le bénéficiaire (par hypothèse décédé avant le donateur) ne laisse aucun descendant vivant ; il joue également lorsqu'il laisse des descendants vivants mais qui ont tous renoncé à sa succession (Cass. 1e  civ. 23-5-2012 no  11-14.104 : Bull. civ. I no  112, BPAT 4/12 inf. 222 ; Cass. 1e  civ. 16-9-2014 no  13-16.164 : Bull. civ. III no  148).

En pratique, l'existence du droit de retour restreint le droit de l'enfant bénéficiaire de la donation de disposer du bien : il aura en effet du mal à trouver un acquéreur prêt à s'exposer au risque de perdre le bien si le droit de retour joue. Mais il est possible d'assurer la sécurité de l'acquéreur en obtenant du donateur qu'il renonce à son droit de retour dans l'acte d'acquisition du bien.

S'il s'exerce du fait du décès prématuré de l'enfant, le droit de retour a les effets suivants :

  • le bien reste dans la famille du donateur et échappe, en particulier, au conjoint du bénéficiaire ;
  • les parents pourront, s'ils le souhaitent, redonner le bien à un autre de leurs enfants et ce, sous un régime fiscal intéressant : voir ci-après.

La loi prévoit un droit de retour automatique au profit des père et mère qui ont donné un bien à leur enfant mort sans descendance (no 29281). Malgré l'existence de ce droit de retour légal, il est toujours intéressant de prévoir expressément un droit de retour (dit « conventionnel ») dans les donations de parents à enfants :

  • le droit de retour prévu par la loi n'empêche pas le bénéficiaire de la donation de vendre ou de donner le bien (dans ce cas, c'est le prix de vente ou la valeur du bien qui est « rendu » aux parents). Au contraire, l'acte de donation peut - et c'est généralement le cas - interdire au donataire de disposer du bien, ce qui assurera son retour en nature aux donateurs ;
  • de nombreuses incertitudes entourent le droit de retour légal, à commencer par la détermination de son assiette : les juristes discutent pour savoir si les parents récupèrent la totalité du bien donné... ou seulement le quart !
Le régime fiscal du droit de retour

Au moment où elle est consentie, la donation assortie d'un droit de retour est imposée aux droits de donation dans les conditions de droit commun, compte tenu du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire et sans aucune décote sur la valeur des biens donnés.

Si le droit de retour s'exerce du fait du décès prématuré du bénéficiaire de la donation (et le cas échéant de ses descendants), le retour du bien n'est pas taxé (BOI-ENR-DMTG-20-30-20-60 no  1).

Sur réclamation à formuler au plus tard le 31 décembre de la 2e  année qui suit le décès, le remboursement des droits de donation payés sur la donation initiale est opéré. A défaut de remboursement, et si le donateur fait une nouvelle donation des mêmes biens, les droits qui ont été acquittés sur la première donation viennent en déduction de ceux dus sur la seconde si les conditions suivantes sont réunies (CGI art. 791 ter) :

  • la donation initiale doit avoir été consentie en ligne directe (par exemple à un enfant) ;
  • la nouvelle donation a lieu dans les cinq ans du retour du bien ;
  • la nouvelle donation est effectuée en ligne directe (par exemple, à un autre enfant du donateur).

Si les droits dus sur cette nouvelle donation sont inférieurs à ceux payés sur la première, il est possible d'obtenir le remboursement de l'excédent sur réclamation à condition que le délai de restitution ne soit pas expiré ; la nouvelle donation doit donc intervenir au plus tard le 31 décembre de la 2e  année qui suit le décès.

A.  Comment faire une donation ?
1.  La donation par acte notarié
Le recours au notaire est-il obligatoire ?

Non, en principe. Il y a d'autres moyens de faire une donation, le plus simple étant pour les biens qui s'y prêtent de procéder par don manuel, c'est-à-dire en donnant le bien de la main à la main.

L'acte notarié est cependant parfois indispensable. C'est le cas pour donner certains biens, essentiellement les immeubles et les droits se rapportant aux immeubles (par exemple, pour donner la nue-propriété d'un appartement dont on veut conserver l'usufruit). C'est également le cas des donations au dernier vivant entre époux.

Enfin, l'acte notarié est obligatoire si l'on veut établir un acte écrit de donation (C. civ. art. 931). Aucun autre écrit n'est valable ; par exemple, une donation qui serait passée par lettre serait nulle.

Une donation réalisée par acte notarié, mais qui impose au donataire des charges particulières énoncées dans un acte sous seing privé séparé auquel elle renvoie, est nulle : la nullité des charges entraîne celle de la donation elle-même (Cass. 1e  civ. 17-10-2007 no  05-14.818 : Bull. civ. I no  322 ; sur renvoi CA Paris 1-7-2009 no  07/20515, ch. 1-3 : BPAT 6/09 inf. 245).

Pourquoi faire une donation notariée ?

Le recours au notaire présente des avantages non négligeables :

  • le notaire est à même de conseiller son client en fonction de ses souhaits, de l'étendue et de la composition de son patrimoine, de sa situation familiale, de l'enjeu fiscal, etc. ;
  • le notaire garantit la régularité de la donation, dont la validité sera difficilement contestable ;
  • l'acte notarié fait foi de la donation et de la date à laquelle elle a été consentie.

En contrepartie de ces avantages, l'acte notarié coûte relativement cher.

En dehors des cas où le recours au notaire est obligatoire, il est conseillé en pratique de faire établir une donation notariée lorsque la donation envisagée est importante : les risques de conflits familiaux croissent proportionnellement aux montants en jeu. Le recours au notaire est également recommandé si le donateur souhaite assortir la donation de modalités ou conditions particulières : par exemple, subordonner la donation à la condition que le bénéficiaire lui verse une rente viagère, donner des actions en s'en réservant l'usufruit, faire une donation graduelle ou résiduelle (ces donations obéissent aux mêmes règles que les legs graduels ou résiduels), etc.

Le coût de la donation notariée
Ce que reçoit le notaire

Le notaire perçoit des honoraires qui sont fixés par le décret 78-262 du 8 mars 1978. Ils sont calculés sur la valeur des biens donnés en distinguant selon leur nature. Le barème applicable aux donations simples et aux donations-partages est indiqué dans le tableau suivant (montants hors TVA). Ce barème ne concerne pas les donations au dernier vivant, qui font l'objet d'un honoraire forfaitaire : voir no 29616.

 

Donation de sommes d'argent, de titres cotés ou de créances

Donation d'autres biens

De 0 à 6 500 €

2,40 %

5 %

De 6 501 € à 17 000 €

0,99 %

2,0625 %

De 17 001 € à 60 000 €

0,66 %

1,375 %

Au-delà de 60 000 €

0,495 %

1,03125 %

Par exemple, pour une donation de 80 000 €, les honoraires du notaire seront de (6 500 € x 2,40 %) + (10 500 € × 0,99 %) + (43 000 € × 0,66 %) + (20 000 € × 0,495 %) = 642,75 € hors TVA.

Pour une donation de même montant mais portant sur les titres d'une société familiale, les honoraires seront de (6 500 € × 5 %) + (10 500 € × 2,0625 %) + (43 000 € × 1,375 %) + (20 000 € × 1,03125 %) = 1 339,06 € hors TVA.

En plus des honoraires proprement dits, le notaire facture des « émoluments de formalités » destinés à l'indemniser de certains frais : recherche de renseignements, frais d'obtention d'actes, établissement d'attestations, etc. Lorsque la donation doit être publiée au service de la publicité foncière (cas des donations de biens immobiliers), ces émoluments sont forfaitisés à 351 € hors TVA. Dans les autres cas, ces émoluments sont légèrement moindres.

Si le donateur garde l'usufruit des biens ou si la donation met des obligations à la charge du bénéficiaire, les honoraires du notaire sont quand même perçus sur la valeur de la pleine propriété de ces biens.

Ce que reçoit l'Etat

Sont également payés au notaire, qui les reverse au Trésor public, des droits de donation, dont le tarif dépend du lien de parenté entre les parties.

Par ailleurs, la donation de certains biens implique des formalités particulières en plus. Par exemple, la donation d'une maison devra être publiée au service de la publicité foncière, formalité qui sera également prise en charge par le notaire qui a rédigé l'acte de donation (coût : environ 1 % de la valeur de l'immeuble).

Donner et payer soi-même les droits

En principe, c'est le bénéficiaire de la donation qui paye les droits. Mais ce n'est pas obligatoire et, en pratique, les droits sont souvent acquittés par le donateur.

Cette prise en charge ne constitue pas un supplément de donation sur le plan fiscal, raison pour laquelle les droits de donation sont calculés uniquement sur le net donné. Cette règle fiscale présente un intérêt particulier dans une donation de sommes d'argent : la somme étant donnée nette d'impôt, le donataire reçoit davantage (voir exemple ci-après).

La prise en charge des droits par le donateur est financièrement moins intéressante lorsque la donation porte sur des biens autres que de l'argent. Les droits étant calculés sur la valeur totale des biens, telle qu'elle figure dans l'acte de donation, le donateur qui souhaite prendre les droits à sa charge devra se dépouiller, en plus des biens donnés, de la somme nécessaire au paiement de l'impôt. Certes, l'argent destiné au paiement de l'impôt ne sera pas taxé comme une donation, mais la prise en charge des droits ne réduira pas l'imposition due sur les biens.

Exemple : soit une donation de 100 000 € effectuée le 16 mai 2015 au profit de la cousine du donateur (taxation au taux de 55 %).

 

1er  cas : les droits sont payés par la cousine

2e  cas : les droits sont payés par le donateur

Total déboursé

100 000 €

100 000 €

Droits dus sur :

100 000 €

64 516 € (1) 

Soit au taux de 55 % :

55 000 €

35 483 €

Net reçu par la cousine

45 000 €

64 516 €

(1) 64 516 € = 100 000 €/155 % (il faut diviser la somme donnée par 100 + le taux de l'impôt).

Les conditions de la donation notariée

La donation notariée doit être signée par le donateur et par le bénéficiaire. L'un et l'autre peuvent donner procuration à quelqu'un qui signera à leur place, mais il faut que la procuration soit faite par acte notarié (Cass. 1e  civ. 11-9-2013 no  12-15.618, s'agissant d'une procuration pour accepter la donation).

La donation doit également être acceptée par son bénéficiaire, la signature de l'acte ne valant pas acceptation. Le plus souvent, cette acceptation figure dans l'acte même de donation. Il suffit alors de vérifier que l'acte mentionne bien que le bénéficiaire accepte.

Si la donation porte sur un meuble (au sens juridique, c'est-à-dire sur tout bien qui n'est pas un immeuble), il faut faire un état estimatif de ce qui est donné, sinon la donation n'est pas valable (C. civ. art. 948). L'état estimatif est un document signé par le donateur et le bénéficiaire, qui décrit le bien donné et en fournit l'évaluation. Si la donation porte sur une somme d'argent, il suffit d'en indiquer le montant dans l'acte de donation.

En pratique, le notaire se charge le plus souvent d'établir l'état estimatif.

2.  Le don manuel
Qu'est-ce qu'un don manuel ?

C'est une donation qui est faite sans acte notarié, par la remise du bien donné. Comme son nom l'indique, un don manuel se fait en principe de la main à la main ; il peut donc porter sur tous les biens susceptibles d'être physiquement donnés : argent liquide, bijoux, meubles, voiture, etc., mais non sur un immeuble ou un fonds de commerce. Il implique la remise matérielle du bien au donataire, de sorte qu'il ne peut y avoir de don manuel lorsque les meubles donnés sont restés chez le donateur (Cass. 1e  civ. 10-10-2012 no  10-28.363 : Bull. civ. I no  195, BPAT 6/12 inf. 304).

Les tribunaux admettent également qu'un don manuel puisse résulter d'un simple jeu d'écritures ; il est notamment possible de faire par virement un don manuel de sommes d'argent ou de valeurs mobilières.

Tout cadeau n'est pas un don manuel

Offrir une montre à sa filleule pour son anniversaire, remettre un chèque à son enfant pour le féliciter de son diplôme ou lui offrir son voyage de noces... autant de cadeaux qui, a priori, ne constituent pas des dons manuels mais des présents d'usage. Intérêt de cette qualification : le cadeau n'est pas imposable et n'a pas en principe à être pris en compte au moment du règlement de la succession de celui qui l'a fait.

Pour qu'il y ait présent d'usage et non don manuel, il faut deux conditions.

Il faut d'une part qu'il y ait un véritable usage : cadeau de naissance, cadeau de fiançailles, cadeau de Noël, etc.

Il faut d'autre part que le cadeau soit d'une valeur modique par rapport à la fortune de celui qui l'a fait. Autant dire que cette modicité est toute relative : un même chèque de 15 000 € pour le mariage d'un enfant sera un présent d'usage si les parents sont fortunés et un don manuel dans le cas inverse.

Dernière précision : la valeur du cadeau s'apprécie au moment où il a été fait. Ainsi, pour des aquarelles d'une valeur de 10 500 € reçues de son père en cadeau de mariage et revendues 10 ans plus tard plus de 750 000 €, une jeune femme a pu bénéficier des règles applicables aux présents d'usage : ni impôt ni indemnisation de ses frères et soeurs ! (Cass. 1e  civ. 10-5-1995 no  93-15.187 : Bull. civ. I no  197). La solution aurait été bien moins favorable pour elle si la qualification de don manuel avait été retenue.

Savoir

Pour l'administration fiscale, les sommes versées par les parents sur un plan d'épargne-logement ouvert au nom de leur enfant mineur constituent un présent d'usage (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 no  250). Aucune taxation n'est donc encourue à raison des sommes, pourtant potentiellement élevées (jusqu'à 61 200 € !), placées sur ces plans. A notre avis, la solution vaut à plus forte raison pour les autres plans et livrets d'épargne dont le montant maximal des dépôts est moins élevé (comptes épargne-logement, livrets jeunes, etc.).

Pourquoi faire un don manuel ?

Le don manuel présente des avantages : puisqu'il ne suppose aucune formalité, il est facile à effectuer. Il a également le mérite de la discrétion, tant à l'égard des autres héritiers que de l'administration fiscale. Il permet d'éviter de payer les droits sur la donation et les frais liés à l'acte notarié.

Mais le don manuel présente des inconvénients :

  • en dehors de la fiscalité, un don manuel emporte les mêmes conséquences qu'une donation notariée. Or, certaines de ces conséquences sont souvent totalement inconnues du donateur et de son bénéficiaire, d'où des conflits au décès du donateur ;
  • parce qu'il est discret, un don manuel laisse généralement peu de traces et il sera difficile après coup de prouver ce qui s'est réellement passé. Par exemple, si celui qui reçoit un don manuel de sommes d'argent est marié sous un régime de communauté, il pourra avoir du mal à faire la preuve du caractère propre de l'argent reçu (les biens étant présumés communs) ;
  • l'absence de taxation n'est pas toujours définitive.
Les conflits au décès du donateur

Un don manuel emporte au décès du donateur deux séries de conséquences pratiques généralement méconnues. La première tient à ce que s'il a été fait au profit de l'un des héritiers du donateur, le don manuel devra être ajouté à sa succession pour calculer la part devant revenir à chaque héritier (règle dite du rapport des donations). La seconde est que si le donateur laisse des descendants ou un conjoint survivant, les dons manuels qu'il aura consentis de son vivant pourront être réduits, voire complètement anéantis, si leur montant excède la part que la loi réserve à ces héritiers (règle dite de la réduction des donations).

Ces deux règles, sur lesquelles nous reviendrons en détail un peu plus loin, ne sont pas spécifiques au don manuel, puisqu'elles s'appliquent à toutes les donations. Le problème que pose en fait le don manuel, c'est que bien souvent le donateur et le bénéficiaire ignorent que ces règles existent (lorsque la donation est faite par acte notarié, le notaire en informe ses clients). Cette ignorance est particulièrement regrettable à l'égard de la règle du rapport des donations. Pourquoi ? D'abord parce qu'elle joue très fréquemment, d'où de mauvaises surprises au moment du règlement de la succession, ensuite parce que cette règle n'est pas obligatoire et qu'elle aurait donc pu être écartée par le donateur et le bénéficiaire s'ils l'avaient connue.

Quelques exemples de conflits

Pour illustrer les conflits causés par la règle du rapport des donations ou plutôt, comme on vient de le voir, par sa méconnaissance, nous prendrons deux exemples en retenant la situation la plus fréquente, celle d'un don manuel aux enfants du donateur.

Exemple 1. Monsieur Aubert avait deux enfants, Brigitte et Charles. Il n'a pas fait de testament. Quelques mois avant sa mort, il a donné à Brigitte deux tableaux estimés à 150 000 €. Il n'a rien donné à Charles. A son décès, monsieur Aubert laisse des biens d'une valeur de 300 000 €.

Brigitte pense que les 300 000 € de son père vont être partagés par moitié entre elle et son frère. Elle se trompe. Il faut tenir compte du fait qu'elle a reçu une donation, dont la valeur doit être ajoutée à la succession. Ce sont 450 000 € (les 300 000 € de la succession plus la valeur des tableaux) qui devront être partagés entre les deux enfants, chacun devant finalement recevoir 225 000 € :

  • Brigitte ne prendra que 75 000 € dans le partage, puisqu'elle a déjà reçu 150 000 € ;
  • Charles recevra 225 000 €.

Exemple 2. Supposons maintenant que monsieur Aubert ait voulu agir au mieux en donnant la même chose à chacun de ses deux enfants : une somme de 50 000 €. Monsieur Aubert décède une dizaine d'années plus tard, en laissant des biens d'une valeur de 300 000 €.

Avec ses 50 000 €, Charles a acquis un fonds de commerce et fait faillite. Brigitte a préféré se constituer un portefeuille de valeurs mobilières dont la valeur, au décès de son père, s'élève à 150 000 €.

A la mort de son père, Brigitte croit que le règlement de la succession se bornera au partage par moitié des 300 000 €. Elle se trompe. Il faut tenir compte du don manuel antérieur : parce qu'elle a fait prospérer ses 50 000 €, Brigitte sera pénalisée. Le patrimoine à partager entre elle et son frère sera de 300 000 € + 150 000 € (son don manuel réévalué) + 50 000 € (ce qu'a reçu Charles), soit un total de 500 000 €. Chaque enfant devant recevoir la moitié, soit 250 000 €, le partage sera fait ainsi :

  • 100 000 € seulement pour Brigitte, qui est censée avoir déjà reçu 150 000 € ;
  • et 200 000 € pour Charles, qui n'a reçu que 50 000 €.

Ce résultat, qui n'était certainement pas souhaité par le père, n'est pas fait pour assurer la paix des familles.

Savoir éviter les conflits

Les exemples que nous venons de voir ne sont pas une fatalité : la règle du rapport n'est pas obligatoire et peut donc être écartée si le donateur et le bénéficiaire en sont d'accord (C. civ. art. 843). Il peut être prévu, par exemple :

  • que le don manuel a pour objet d'avantager son bénéficiaire par rapport aux autres héritiers, et non de lui conférer une simple avance sur son héritage. On dit alors que la donation est faite « hors part successorale ». Dans l'exemple 1 précédent, il aurait pu être prévu que le partage de la succession de monsieur Aubert se ferait sans tenir compte du don des deux tableaux. Brigitte aurait alors pris 150 000 € lors du partage de la succession, au lieu de 75 000 € ;
  • dans l'hypothèse d'un don manuel de somme d'argent, que la somme à rapporter à la succession ne sera pas réévaluée au décès. Dans l'exemple 2, cela aurait conduit à ce que Brigitte hérite de 150 000 €, au lieu de 100 000 €.

Conseil

Pour qu'au décès du donateur le bénéficiaire de la donation soit à même de prouver ces aménagements, il faut prendre la précaution de les consigner par écrit dans un document signé par le donateur et le(s) bénéficiaire(s). Ce document est généralement appelé pacte adjoint au don manuel. Si aucun écrit n'a été établi, le bénéficiaire de la donation aura le plus grand mal à prouver l'existence de ces aménagements.

La preuve du don manuel

C'est souvent longtemps après le don manuel que les problèmes surgissent : le bénéficiaire (ou soi-disant tel) dit qu'il a reçu un don manuel, alors que le prétendu donateur (ou ses héritiers) soutient qu'il y a seulement eu prêt ou dépôt, voire que le bien lui a été volé.

Celui qui prétend avoir bénéficié d'un don manuel n'a rien à prouver si le bien est toujours matériellement entre ses mains. Il est en effet protégé par la loi qui considère que, jusqu'à preuve du contraire, celui qui possède un bien meuble corporel (argent, objet, voiture, etc.) en est le propriétaire (C. civ. art. 2276).

C'est à celui qui conteste avoir fait le don manuel de prouver qu'il n'y a pas eu donation. Cela lui sera en pratique assez difficile : s'il invoque un prêt ou un dépôt, il doit lui-même prouver par écrit ce prêt ou ce dépôt.

La preuve par écrit n'est pas toujours exigée, notamment lorsque :

  • la valeur du don n'excédait pas 1 500 € (C. civ. art. 1341 ; Décret 80-533 du 15-7-1980 modifié) ;
  • il y a eu impossibilité morale de se procurer un écrit, ce que les tribunaux admettent souvent entre parents et enfants.

Dans ces situations, la preuve du don ou de l'absence de don peut être rapportée par tous les moyens possibles (témoignages et même présomptions).

Il est donc conseillé, en cas de prêt d'argent, même à un proche, de constater le prêt par écrit. Si cette précaution n'est pas prise, l'emprunteur peut très bien prétendre que cet argent lui a été donné : ce ne sera pas à lui de prouver le don, mais au prêteur de prouver le prêt.

D'autres personnes que le (soi-disant) bénéficiaire et le (prétendu) donateur peuvent avoir intérêt à prouver qu'il y a eu un don manuel, notamment :

  • les frères et soeurs du bénéficiaire, qui peuvent s'estimer lésés par le don manuel. Ils vont par exemple vouloir que le montant du don manuel soit ajouté à la succession du donateur, comme on l'a vu avec les tableaux de monsieur Aubert (no 29462). Il est également possible que le don manuel soit d'un montant tel qu'il aboutisse à les déshériter au-delà de ce que la loi permet. Ils vont alors demander que le don manuel soit réduit ;
  • l'administration fiscale, qui peut souhaiter démontrer le don manuel pour en obtenir la taxation au décès du donateur.

Agissant pour leur propre compte et n'ayant pas participé à la donation, ces personnes n'ont pas à fournir de preuve écrite ; elles peuvent utiliser tous les moyens de preuve à leur disposition, y compris les simples présomptions.

Prouver la date d'un don manuel

On verra avec l'étude du règlement de la succession que plus une donation est ancienne, plus son bénéficiaire a de chances de la conserver à la mort du donateur. Mais prouver qu'un don manuel a eu lieu à une date donnée est difficile, du fait de la discrétion de l'opération. Deux situations doivent être distinguées :

  • le bénéficiaire du don manuel peut produire un écrit qui rend vraisemblable la date qu'il invoque. Par exemple, il peut fournir un relevé bancaire (pour un don manuel par chèque ou virement), une lettre du donateur faisant référence à la date de la donation ou encore un pacte adjoint dont on a vu qu'il permettait également de prouver l'existence et les aménagements du don manuel. Dans ce cas, il lui sera possible d'apporter d'autres éléments de preuve, tels que des témoignages ou de simples présomptions ;
  • le don manuel n'a laissé aucune trace écrite. Si le bénéficiaire ne peut produire aucun écrit, il n'aura pas le droit d'apporter d'autres éléments de preuve (sauf si le don portait sur moins de 1 500 € ou s'il y a eu impossibilité de se procurer un écrit). Le don manuel sera réputé avoir été fait le jour du décès du donateur (ou le jour du décès du bénéficiaire, s'il meurt avant le donateur).

Il existe pourtant un moyen simple de donner une date officielle et non contestable à un don manuel. Il suffit de l'enregistrer au service des impôts des entreprises : la date du don sera celle de son enregistrement. Attention toutefois : si cet enregistrement volontaire est fait par le bénéficiaire, il déclenchera la taxation du don. Si le bénéficiaire ne veut pas de cette taxation, il ne doit pas procéder à l'enregistrement. Reste alors la possibilité de faire enregistrer le don par le donateur. En effet, l'enregistrement par le donateur ne rend pas le don manuel taxable (seul un droit fixe de 125 € est dû).

Un don manuel est-il imposable aux droits de mutation ?

Non, du moins pas au moment où il est consenti. Cette non-taxation est d'ailleurs l'un des atouts essentiels du don manuel par rapport à la donation notariée. Cela dit, l'absence de taxation n'est pas forcément définitive : il est des cas dans lesquels un don manuel devient taxable. Pour cette raison, il est parfois judicieux de payer volontairement les droits dès la réalisation du don : la taxation immédiate est alors plus économique que celle qui serait subie quelques années plus tard.

Les cas dans lesquels un don manuel devient obligatoirement taxable sont au nombre de quatre, limitativement énumérés par la loi (CGI art. 757 et CGI784) :

  • lorsqu'ils font l'objet d'une reconnaissance judiciaire (situation rare), la notion de « reconnaissance » s'entendant au sens large. Jugé par exemple qu'une décision de justice qui rejette la demande de remboursement d'un prêt, faute de preuve de ce dernier, porte (implicitement) reconnaissance de l'existence d'un don manuel de sommes d'argent lorsque le seul moyen de défense de celui qui s'opposait au remboursement consistait à affirmer qu'il avait reçu un don manuel (Cass. com. 21-2-2012 no  10-27.914 : RJF 5/12 no  531). Une décision judiciaire qui reconnaît l'existence d'un don manuel doit être enregistrée, et les droits acquittés, dans un délai d'un mois ;
  • en cas de déclaration par le donataire ou ses représentants dans un acte soumis à l'enregistrement, quelle que soit sa nature ;
  • lorsqu'ils sont révélés par le donataire ou ses représentants à l'administration fiscale, révélation qui peut être spontanée ou subie ;
  • si le bénéficiaire du don manuel hérite du donateur ou reçoit de lui une nouvelle donation, la taxation étant opérée au titre du rappel fiscal des donations antérieures.

Seuls les deux derniers cas de taxation nous retiendront.

Ces cas d'imposition ne concernent ni les fondations ni les associations, à condition qu'elles présentent un caractère d'intérêt général.

La révélation du don

Les dons manuels révélés doivent en principe être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l'administration fiscale (CGI art. 635 A, al. 1). Il en va ainsi en cas de révélation subie du don, c'est-à-dire lorsque le donataire (ou son représentant) ne fait état du don manuel qu'il a reçu qu'en réponse à une demande de l'administration (par exemple, pour justifier de la possession de fonds et éviter une taxation à l'impôt sur le revenu) ou lorsque le don a été découvert par l'administration au cours d'une procédure de contrôle fiscal (CGI art. 635 A, al. 2).

Les dons manuels découverts lors de la vérification de comptabilité du donataire (association ou personne physique) sont-ils soumis aux droits de donation ? Réponse négative de la Cour de cassation pour des contentieux non régis par les dispositions précitées du Code général des impôts (Cass. com. 15-1-2013 no  12-11.642 : RJF 4/13 no  438 ; Cass. com. 16-4-2013 no  12-17.414 : RJF 8-9/13 no  878). La question de savoir si la réponse serait identique sous l'empire de ces dispositions est posée. L'administration, de son côté, maintient le principe de taxation en cas de révélation subie (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 no  60). Elle s'appuie pour cela sur un jugement du tribunal de grande instance de Limoges concernant des dons manuels découverts à l'occasion d'une vérification de comptabilité d'une association (TGI Limoges 21-11-2013 no  12/00665 : RJF 4/14 no  400). Selon le tribunal, ce qui rend le don taxable, c'est la réponse du contribuable à l'administration qui l'a interrogé sur la nature des produits qu'elle a découverts dans sa comptabilité. Autrement dit, le don manuel ne serait pas révélé par la procédure de contrôle, mais par la réponse du contribuable à la demande que lui fait l'administration pendant la procédure de contrôle...

Lorsque la révélation est spontanée, la déclaration du don peut être effectuée, au choix du donataire :

- soit dans le mois du décès du donateur, option qui n'est toutefois possible que pour les dons d'une valeur unitaire supérieure à 15 000 €. Si cette option est exercée, il faut déposer au service des impôts l'imprimé 2734 de révélation du don manuel spécifique à l'option pour la déclaration et le paiement des droits au décès du donateur. Aucun droit n'est dû lors du dépôt de l'imprimé ;

- soit dans le mois de la révélation. S'il choisit cette option, le bénéficiaire du don dépose l'imprimé 2735 de déclaration « normale » des dons manuels ou, s'il s'agit d'un don familial de sommes d'argent exonéré, l'imprimé 2731 de déclaration de dons de sommes d'argent. Pour un don familial qui excède le plafond d'exonération (31 865 € pour les donations consenties depuis le 1er  janvier 2011), le bénéficiaire doit déposer la déclaration de don manuel 2735, en mentionnant qu'il entend bénéficier de l'exonération prévue à l'article 790 G du Code général des impôts (BOI-ENR-DMTG-20-20-20 no  250). Si des droits sont dus, ils devront être payés immédiatement. Si aucun droit n'est dû, l'enregistrement sera entièrement gratuit.

Savoir

Les imprimés 2731, 2734 et 2735 de révélation ou de déclaration des dons manuels sont disponibles dans les services des impôts. Ils peuvent également être téléchargés sur le site du ministère des finances (http://www.impots.gouv.fr), sachant que, si les imprimés sont téléremplissables, ils ne peuvent pas être télétransmis. Les imprimés, à l'exception du 2731 qui peut être adressé par voie postale, doivent être déposés en double exemplaire par le donataire (ou son représentant) au service des impôts des entreprises (pôle enregistrement) de son domicile.

Le choix de déclarer et de payer immédiatement les droits peut présenter plusieurs avantages :

  • si le don porte sur des sommes d'argent exonérées, la déclaration permet leur exonération définitive (CGI art. 790 G, III) ;
  • le montant imposable est définitivement arrêté au jour de la déclaration, ce qui évite tout risque de surcoût fiscal si la valeur du bien donné augmente par la suite ;
  • la déclaration fait courir le délai de la dispense de rappel fiscal des donations antérieures, ce qui est spécialement intéressant pour les dons de parents à enfants (voir ci-après).

La déclaration volontaire et immédiate du don manuel peut également présenter un intérêt lorsque le don porte sur un bien dont la vente est susceptible de dégager une plus-value imposable. C'est ainsi que, faute d'avoir déclaré le don manuel d'actions dont il avait bénéficié, un contribuable s'est vu notifier un important redressement d'impôt sur le revenu lors de la revente de ses actions. La valeur vénale des titres au moment du don manuel n'ayant pas pu être justifiée, leur valeur d'acquisition a été considérée comme nulle, et la plus-value taxable égale par conséquent au prix de vente des titres (CE 7-4-2006 no  270444 : RJF 7/06 no  853).

L'héritage ou la nouvelle donation

C'est de loin le cas le plus fréquent de taxation « subie » : un don manuel devient imposable si son bénéficiaire hérite du donateur (comme héritier ou comme légataire) ou reçoit de lui une donation notariée. La valeur du don manuel doit alors être ajoutée à celle de l'héritage ou de la nouvelle donation pour le calcul des droits à payer.

Cette taxation est effectuée quel que soit le délai écoulé entre le don manuel et le décès ou la nouvelle donation.

Monsieur Lerouge, veuf, a donné à son fils unique Nicolas un chèque de 50 000 € en 2002 et le don manuel n'a pas été enregistré. Nicolas hérite de son père en mai 2015 de biens d'une valeur de 400 000 €. Le don manuel de 2002 n'ayant pas été déclaré, il doit être ajouté à l'actif de la succession pour le calcul des droits, qui seront donc dus sur 450 000 €. Compte tenu de l'abattement et du tarif en ligne directe à la date du décès, les droits seront calculés sur 350 000 €, soit un total à payer de 68 194 €.

Si le don manuel a déjà été taxé, il convient de distinguer selon que cette taxation remonte ou non à plus de 15 ans.

Si le don a été déclaré ou enregistré plus de 15 ans avant le décès du donateur ou la nouvelle donation, tout se passera comme si le don manuel n'avait jamais eu lieu. Cette règle, dite du non-rappel fiscal des donations de plus de 15 ans, est vraiment intéressante pour les dons aux enfants, du fait du montant de l'abattement applicable et du caractère fortement progressif du tarif des droits. Dans les relations entre parents et enfants, il est donc fortement conseillé de révéler tout de suite les dons manuels, avec option pour le paiement immédiat des droits, s'il est vraisemblable que le donateur vivra encore 15 ans.

On prendra l'exemple de monsieur Dupont, veuf, qui a fait un don manuel de 130 000 € à son fils unique Adrien en avril 2015. On suppose que Monsieur Dupont décédera en mai 2030 et qu'Adrien héritera de lui des biens d'une valeur de 500 000 €.

1. Le don n'a pas été déclaré. Les droits de succession seront calculés sur 630 000 €, puisque la valeur du don manuel sera ajoutée à celle des biens laissés par le père.

2. Le don a été déclaré immédiatement par Adrien, avec option pour le paiement immédiat des droits. Aucun impôt n'a été dû sur la donation (exonération à hauteur de 31 865 € et, pour le surplus de 98 135 €, don inférieur au montant de l'abattement entre parents et enfants). Au décès du père en mai 2030, les droits de succession seront calculés sur les seuls biens laissés au décès, soit sur 500 000 € (avant application de l'abattement qui sera alors applicable).

Si le donateur meurt dans les 15 ans de la déclaration, le don manuel ne sera évidemment pas taxé une seconde fois mais, sauf s'il s'agit d'un don manuel exonéré de sommes d'argent, il en sera tenu compte pour le calcul des droits. C'est la règle dite du rappel fiscal des donations antérieures.

Reprenons l'exemple d'Adrien Dupont en supposant que son père soit mort accidentellement en mai 2015, soit un mois après la déclaration du don. Ce décès prématuré prive la taxation volontaire de l'essentiel de son intérêt, puisque les droits de succession seront calculés après déduction d'un abattement personnel réduit à 1 865 € (98 135 € ayant déjà été utilisés pour le don manuel). Restera tout de même une économie d'impôt de 6 373 €, due à l'exonération d'une fraction du don (31 865 €) qu'a permise la déclaration volontaire du don manuel.

L'évaluation fiscale des biens donnés

Les dons manuels de sommes d'argent sont imposables sur le montant donné, quelle que soit l'utilisation ultérieure des fonds par le donataire.

Pour les dons manuels portant sur des biens autres que de l'argent, plusieurs situations doivent être distinguées, selon le cas de taxation et la date du don.

Les dons manuels déclarés dans un acte enregistré, reconnus dans une décision de justice ou révélés par leur bénéficiaire sont imposables :

  • s'ils ont été consentis depuis le 31 juillet 2011, sur la valeur du don à la date de sa déclaration ou de son enregistrement ou, si elle est supérieure, sur sa valeur à la date de la donation (CGI art. 757, al. 1). En d'autres termes, c'est la plus élevée des deux valeurs (jour de la taxation ou jour de la donation) qui est retenue pour le calcul des droits ;
  • s'ils ont été consentis avant le 31 juillet 2011, sur la valeur du don manuel à la date de sa déclaration ou de son enregistrement, qu'elle qu'ait été la valeur d'origine des biens donnés.

Il n'existe pas de règle spécifique d'évaluation pour les dons manuels qui font l'objet d'un rappel fiscal lors d'une nouvelle donation ou du décès du donateur. Selon l'administration, ces dons sont imposables sur la valeur des biens au jour de la nouvelle mutation (donation ou succession) à laquelle ils sont fiscalement rapportés (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 no  210).

Une mère a consenti en janvier 2015 un don manuel à ses deux enfants Adrien et Nicolas, Adrien recevant une voiture d'une valeur de 10 000 €, Nicolas des actions valant également 10 000 €. En 2019, les deux dons manuels sont révélés spontanément par les enfants. La voiture ne vaut plus que 500 €, tandis que les actions valent 20 000 €. Adrien sera taxé sur 10 000 €, Nicolas sur 20 000 €.

Même exemple mais le don manuel a été consenti en juin 2011. Adrien sera taxé sur 500 €, Nicolas sur 20 000 €.

Le calcul de l'impôt sur les dons manuels

Les abattements et les tarifs sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l'enregistrement du don manuel, y compris lorsque le donataire a spontanément révélé le don et a opté pour le report de la taxation au décès du donateur (CGI art. 757, al. 1 in fine). Dans ce dernier cas, reste à savoir si les droits dus au décès sont des droits de donation ou des droits de succession. A notre avis, il s'agit toujours de droits de donation, même si le donataire vient à la succession du donateur. Il en résulte que les exonérations et abattements spécifiques aux donations qui seraient en vigueur le jour de la déclaration et du paiement des droits seront applicables.

Si le don manuel est taxé par application de la règle du rappel fiscal des donations antérieures, les abattements et les tarifs sont ceux en vigueur au jour de la nouvelle donation ou du décès du donateur. Si la taxation a lieu du fait du décès du donateur, les droits dus sont des droits de succession (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 no  180).

3.  Les autres formes de donation
Donner par donation indirecte

Vendre un bien à sa soeur pour un prix avantageux, payer les dettes de quelqu'un sans intention de jamais lui en demander le remboursement, prendre en charge les frais et droits d'une donation pour le compte du donataire dans une intention libérale, autant d'exemples de donations dites « indirectes ».

Bien que non établies au moyen d'un acte notarié, ces donations sont valables. Elles emportent les mêmes conséquences qu'une donation effectuée devant notaire. Il en résulte, notamment :

  • que si la donation indirecte a eu pour bénéficiaire un des héritiers du donateur, le montant donné devra en principe être ajouté à la succession pour déterminer la part de chaque héritier (règle dite du rapport des donations, qui est détaillée plus loin mais dont on a déjà donné des exemples à propos du don manuel : voir notamment au no 29462 les problèmes de monsieur Aubert) ;
  • que si le donateur a eu des enfants ou, à défaut, s'il meurt en laissant un conjoint survivant, les donations indirectes qu'il a pu effectuer de son vivant pourront être réduites, voire totalement anéanties après son décès (règle dite de la réduction des donations, qui est exposée plus loin avec le règlement de la succession) ;
  • que, sauf exception pour la prise en charge des frais et droits d'une donation par le donateur (no 29443), une donation indirecte est imposable aux droits de donation dès sa réalisation. Si l'administration fiscale parvient à faire la preuve de la donation, elle pourra réclamer au bénéficiaire les droits qui auraient dû être perçus, avec en plus un intérêt de retard au taux de 4,80 % par an.
Donner par donation déguisée

Pour avantager discrètement un héritier ou, plus souvent, pour réduire le montant des impôts à payer, il est parfois tentant de masquer la donation en lui donnant une autre apparence.

S'il s'agit de donner une somme d'argent, le donateur préétablira, par exemple, une fausse reconnaissance de dette du montant qu'il entend donner. Prenons l'exemple de mademoiselle Thibaut, âgée de 82 ans, qui souhaite donner 50 000 € à sa cousine Léa. Pour éviter les droits de donation au taux de 55 %, elle établit une reconnaissance de dette d'un montant de 50 000 € au profit de Léa. Le versement des 50 000 € à Léa aura l'apparence du remboursement de la dette, et non d'une donation. Autre possibilité : consentir un prêt à Léa et lui établir ensuite des reçus attestant du remboursement (en réalité inexistant) du prêt.

Pour donner un bien déterminé, le procédé le plus couramment utilisé pour déguiser une donation consiste à simuler une vente. Exemple : monsieur Lefranc, âgé de 97 ans, possède un appartement d'une valeur de 300 000 € qu'il voudrait donner à son petit-neveu François. Un rapide calcul lui montre que cette donation coûterait à François 165 000 € de droits, alors que la vente de l'appartement ramènerait le coût fiscal de l'opération à environ 15 000 €. Un contrat de vente est donc conclu entre l'oncle et le neveu, qui conviennent que le prix de vente ne sera pas versé, ou que ce prix sera converti en rente viagère ou en obligation de soins, ce qui aboutit à une quasi-absence de prix compte tenu de l'âge de monsieur Lefranc.

Les dangers de la donation déguisée

Les opérations que l'on vient de décrire sont en principe valables (excepté toutefois celles intervenues entre époux avant le 1er  janvier 2005, qui sont nulles). Mais attention aux risques encourus si la donation parvient à la connaissance de l'administration fiscale ou des autres héritiers !

Les sanctions fiscales sont très lourdes : la donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droit, ce qui signifie que si l'administration parvient à prouver qu'il y a eu donation déguisée, elle exigera les droits qui auraient dû être acquittés + une pénalité de 80 % sur le montant de ces droits + un intérêt de retard de 4,80 % par an.

Pour prouver la donation déguisée, l'administration fiscale invoque généralement un ensemble d'éléments de nature à emporter la conviction des juges. Quelques exemples :

  • le vendeur est âgé ou en mauvaise santé, c'est un parent ou un ami de l'acheteur, l'argent de la vente n'a pas été retrouvé dans sa succession ;
  • l'acheteur est héritier ou légataire du vendeur, il n'avait pas les moyens de payer le prix convenu (CA Nîmes 12-9-2013 no  12/02882) ;
  • le prix de vente a été converti en rente viagère ou en obligation de soins (CA Orléans 4-3-2013 no  12/01176) ;
  • le contrat de vente mentionne que le prix a été payé comptant hors la vue du notaire.

La donation déguisée est également une source de conflits entre les héritiers lors du règlement de la succession. A la supposer établie, une donation déguisée est une donation comme une autre, ce qui emporte notamment les conséquences suivantes :

  • si la donation déguisée a eu pour bénéficiaire l'un des héritiers du donateur, le montant donné devra en principe être ajouté à la succession pour déterminer la part de chaque héritier ;
  • si le donateur laisse des enfants (ou un conjoint survivant) au jour de son décès, la donation déguisée pourra être réduite si elle empiète sur la part que la loi réserve à ces héritiers.

Ces deux règles, dites du rapport et de la réduction des donations, sont exposées plus loin avec le règlement de la succession.

Certaines ventes sont présumées fausses

La loi considère que certaines ventes constituent des donations déguisées. C'est notamment le cas des ventes au profit d'un enfant, lorsque la vente est opérée avec réserve d'usufruit ou moyennant une rente viagère (C. civ. art. 918).

Pour le règlement de la succession du « vendeur », l'opération sera considérée comme une donation hors part successorale consentie à l'enfant. Cette présomption est irréfragable, ce qui signifie qu'il est impossible de la combattre en rapportant la preuve contraire (Cass. 1e  civ. 29-1-2014 no  12-14.509 : Bull. civ. I no  16, BPAT 2/14 inf. 70). Il est possible de pallier ce risque en recueillant devant notaire l'accord écrit de tous ses enfants à la vente (C. civ. art. 918) et en exerçant son usufruit (c'est-à-dire en habitant l'appartement ou en le donnant en location et en percevant soi-même les loyers) ou en touchant effectivement la rente viagère convenue.

Attention également aux aspects fiscaux de l'opération : même si l'administration n'a pas immédiatement taxé la vente comme une donation déguisée, elle se rattrapera au moment du règlement de la succession : sauf preuve contraire, l'appartement vendu avec réserve d'usufruit à un futur héritier est censé rester la propriété du vendeur. En d'autres termes, l'enfant devra payer des droits de succession sur la valeur de la pleine propriété de l'appartement, comme s'il n'en avait pas déjà acheté la nue-propriété (CGI art. 751).

On notera que la présomption de donation déguisée ne s'applique pas lorsque la vente moyennant rente viagère est consentie par des parents, non pas directement à un enfant, mais à une société civile dont leur enfant est associé (Cass. 1e  civ. 30-9-2009 no  08-17.411 : Bull. civ. I no  117).

Elle ne joue pas non plus pour un échange moyennant une soulte convertie en rente viagère (Cass. 1e  civ. 25-9-2013 no  94-13.301 : Bull. civ. I no  190, BPAT 6/13 inf. 231).

B.  Les bénéficiaires des donations
Le choix des bénéficiaires

On a vu précédemment que celui qui fait un testament n'est pas complètement libre du choix de ses héritiers. Ces règles sont très largement transposables aux donations. Notamment, les personnes qui ne peuvent pas recevoir par testament ne peuvent pas davantage recevoir par donation.

Toujours avec l'étude du testament, on a indiqué qu'il y a des personnes qui ne peuvent pas être totalement déshéritées : les enfants du défunt et, en l'absence de descendants, son conjoint. Pour vérifier si ces héritiers ont bien reçu leur part, il sera tenu compte de toutes les donations effectuées par le défunt de son vivant (si on ne le faisait pas, la protection des héritiers serait largement illusoire). Cette règle n'a évidemment pas pour effet d'empêcher le donateur de donner à qui il veut. Mais à son décès, il est possible que certaines donations soient remises en cause, selon des modalités étudiées avec le règlement de la succession.

En pratique, la plupart des donations ont pour bénéficiaires soit le conjoint du donateur, soit ses enfants ou petits-enfants. C'est donc à eux que sont consacrés les développements qui suivent.

1.  Donner à son conjoint
Un régime d'exception

Les donations entre époux présentent une particularité : elles peuvent porter sur les biens que le donateur laissera à son décès. Ces donations, dites « au dernier vivant » ou « de biens à venir », sont très fréquentes. Toujours librement révocables, elles sont possibles quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux, y compris par conséquent en cas de séparation de biens. Ce sont ces donations que nous étudions ci-après.

Rien n'interdit bien sûr aux époux de se consentir des donations de biens présents. Mais sauf sous la forme indirecte (notamment assurance-vie en cas de décès, réversion d'usufruit ou acquisition d'un bien au nom de son conjoint), ces donations sont rares : s'ils vivent en bonne intelligence, les époux n'éprouvent aucun besoin de se donner des biens et, dans le cas inverse, ils n'en ont sans doute pas grande envie. Ajoutons que les donations de biens présents entre époux obéissent à des règles différentes selon la date à laquelle elles ont été consenties :

  • effectuées depuis le 1er  janvier 2005, elles sont irrévocables, même en cas de divorce ultérieur, si elles ont pris effet pendant le mariage (C. civ. art. 1096, al. 2). L'acte de donation ne peut pas écarter cette règle et prévoir qu'en cas de divorce la donation sera anéantie (Cass. 1e  civ. 14-3-2012 no  11-13.791 : Bull. civ. I no  56). Si la donation de biens présents entre époux n'a pas pris effet pendant le mariage (cas, par exemple, d'une réversion d'usufruit ou d'un contrat d'assurance-vie en cas de décès au profit du conjoint et accepté par lui), la donation est en principe librement et à tout instant révocable par le conjoint qui l'a consentie (C. civ. art. 1096, al. 2 interprété en sens contraire ; Loi 2006-728 du 23-6-2006 art. 46). Il semble toutefois que les époux puissent prévoir le contraire dans leur convention de divorce ;
  • effectuées avant le 1er  janvier 2005, les donations de biens présents entre époux sont librement et à tout instant révocables (y compris après cette date). Précisons seulement que si les époux divorcent par consentement mutuel, ils doivent décider dans leur convention du sort des donations de biens présents qu'ils se sont consenties ; s'ils n'ont rien prévu, aucune révocation ne sera plus possible après le divorce.

Les donations au dernier vivant ne sont possibles qu'entre époux. Les concubins, mêmes partenaires de Pacs, ne peuvent se consentir que des donations de biens présents. Il existe néanmoins d'autres moyens pour les concubins de se protéger mutuellement : testament, assurance-vie, achat du logement en indivision avec clause de rachat au profit du survivant, etc.

Le coût d' une donation au dernier vivant

La donation au dernier vivant est obligatoirement effectuée par acte notarié.

Son coût est limité aux honoraires prélevés par le notaire pour l'établissement de l'acte, auxquels peuvent s'ajouter des émoluments de formalités : compter environ 160 €, dont un honoraire forfaitaire hors TVA de 117 €.

Sauf opposition du donateur, les donations au dernier vivant sont inscrites par le notaire au Fichier central des dispositions des dernières volontés (coût : 29,46 € TVA comprise). Le notaire chargé du règlement de la succession du donateur, qui a l'obligation d'interroger le Fichier central, aura ainsi connaissance de l'existence de la donation et du lieu de dépôt de l'acte.

Au décès du conjoint donateur, le notaire procédera à l'enregistrement de la donation (droit fixe de 125 €). Sous réserve de ce droit fixe, aucun impôt ne sera dû, puisque le conjoint survivant est exonéré de droits de succession.

Quel est le maximum que l'on peut donner à son conjoint ?

Tout dépend des héritiers que laisse le défunt.

1e  situation : l'époux donateur a des enfants (ou des petits-enfants). Il peut donner à son conjoint (C. civ. art. 1094-1) :

  • soit le quart de sa future succession en pleine propriété et les trois quarts en usufruit ;
  • soit la totalité en usufruit. Rappelons que le conjoint survivant tire de la loi elle-même la faculté d'opter pour l'usufruit de la totalité de la succession dans le cas où le défunt ne laisse que des enfants communs ;
  • soit la pleine propriété de la part non obligatoirement réservée aux enfants. Cette part disponible est de la moitié, du tiers ou du quart de la succession selon qu'il y a un enfant, deux enfants, ou trois enfants et plus.

2e  situation : l'époux donateur n'a pas de descendant mais il laisse ses deux parents ou l'un d'eux. Il peut tout laisser à son conjoint, sauf le cas échéant les biens qui lui ont été donnés par ses parents, et qui doivent leur être restitués en nature ou en valeur.

3e  situation : l'époux donateur ne laisse ni descendant, ni ses parents. Il peut donner à son conjoint l'intégralité de sa future succession.

Donner au dernier vivant... et revenir sur sa décision

Un époux peut à tout instant révoquer la donation au dernier vivant qu'il a consentie à son conjoint, tout en restant lui-même bénéficiaire de la donation qui lui a été consentie (C. civ. art. 1096, al. 1). Cette règle peut paraître choquante dans la mesure où, le plus souvent, les époux se sont consenti des donations réciproques. En outre, un époux n'a aucun moyen de savoir si la donation qui lui a été accordée par son conjoint a été ou non maintenue (le notaire, à le supposer informé de la révocation, est tenu au secret professionnel).

Pour révoquer la donation, il suffit de retourner chez le notaire ou de faire un testament : la mention « Ceci est mon testament qui révoque toutes dispositions antérieures » a pour effet la révocation de la donation antérieurement consentie au conjoint. En revanche, la formule « Ceci est mon testament qui révoque tous les testaments antérieurs » n'a pas d'effet sur la donation.

Savoir

Seules les donations au dernier vivant consenties pendant le mariage sont librement révocables. Les donations au dernier vivant que les futurs époux se consentent par contrat de mariage sont irrévocables. Cela dit, ces donations sont rares parce que les notaires conseillent aux couples qui font un contrat de mariage de procéder à la donation par acte ultérieur ; chaque époux conserve ainsi la possibilité de révoquer la donation.

2.  Donner à ses enfants et petits-enfants
Les règles de base

Les donations aux enfants et petits-enfants sont naturellement les plus fréquentes ; elles sont d'ailleurs encouragées par une fiscalité favorable : exonération pour les dons de sommes d'argent dans une certaine limite, abattements élevés et tarifs préférentiels.

Il y a deux façons de donner à ses descendants : par donation simple (on parle aussi de donation ordinaire) ou par donation-partage.

L'intérêt de la donation-partage, qui se fait par acte notarié, est qu'elle permet d'anticiper le règlement de sa propre succession : c'est à la fois une donation et un partage de ses biens entre ses descendants. Chaque fois que c'est possible, il faut privilégier la donation-partage en raison de ses nombreux avantages par rapport à une donation simple.

Conseil

Pour faire une donation simple à un enfant marié (ou à un petit-enfant marié), mieux vaut consentir la donation à lui seul, plutôt qu'au couple : une donation qui serait faite à un gendre ou à une belle-fille ne bénéficierait d'aucun abattement et serait taxée au taux de 60 % applicable entre non-parents. Si vous voulez que la donation faite à votre enfant profite à son conjoint, il suffit de demander au notaire de prévoir une clause dite d'entrée en communauté dans l'acte de donation.

Faire une donation-partage à ses enfants

Il faut avoir au moins deux enfants, puisque l'objectif est de partager entre eux tout ou partie de sa future succession. Si l'un des enfants est décédé, ses propres enfants peuvent le représenter et prendre sa place dans la donation-partage. Soit par exemple monsieur Leblanc qui avait deux fils, André et Bernard, André étant déjà décédé en laissant lui-même deux filles. Monsieur Leblanc peut faire une donation-partage à son fils survivant et à ses deux petites-filles.

Il est également possible de gratifier ses petits-enfants du vivant même de leurs parents (les enfants de Bernard, dans notre exemple) ; il s'agit alors d'une donation-partage transgénérationnelle, dont les particularités sont exposées un peu plus loin.

Comme son nom l'indique, une donation-partage suppose le partage des biens donnés entre les donataires (Cass. 1e  civ. 6-3-2013 no  11-21.892 : Bull. civ. I no  34 ; Cass. 1e  civ. 20-11-2013 no  12-25.681 : Bull. civ. I no  223). Si certains enfants ne sont allotis que de droits indivis et si le donateur décède avant que le partage ait pu être effectué en sa présence et sous son autorité, l'opération sera disqualifiée en donation ordinaire par le juge, ce qui aura pour conséquence la perte des avantages liés à la donation-partage (voir no 29709).

Les avantages de la donation-partage aux enfants

Une donation-partage est d'abord un instrument efficace de paix dans les familles. En réglant à l'avance le partage de leurs biens entre leurs enfants, les parents évitent les conflits liés au règlement de leur succession, au moins à hauteur de ce qui a été compris dans la donation-partage.

La donation-partage est également un instrument de stabilité des transmissions de patrimoine :

  • une donation-partage aux enfants n'est jamais rapportable, ce qui signifie que le montant donné n'aura pas à être ajouté à la succession du donateur pour déterminer la part de chaque enfant ;
  • pour vérifier au décès du donateur que chaque enfant a bien eu la part minimale que la loi lui réserve, les biens donnés seront en principe évalués au jour de la donation-partage, et non au jour du décès comme dans une donation ordinaire (C. civ. art. 1078). Si la donation-partage a porté sur une fraction significative du patrimoine des parents, il est peu vraisemblable qu'elle soit remise en cause.

Dernier avantage, la donation-partage bénéficie d'une fiscalité favorable. Sur le terrain des droits de donation, la situation est celle d'une donation ordinaire. Mais le droit de partage n'est pas dû, par exception à la règle applicable aux partages de succession.

Savoir

Une donation-partage peut réintégrer une ou plusieurs donations simples antérieures (on parle d'incorporation). Les avantages de la donation-partage s'appliquent alors à l'ensemble des biens donnés. Sur le plan fiscal, les biens qui avaient déjà été donnés et qui sont incorporés à la donation-partage ne seront pas taxés une seconde fois aux droits de donation, mais ils seront soumis au droit de partage (CGI art. 776 A, al. 1).

Que peut-on donner par donation-partage ?

Les enfants peuvent recevoir des meubles de toute sorte, de l'argent, un ou plusieurs immeubles, etc. Tout est possible à condition que les biens donnés soient la propriété du donateur au jour de l'opération : on ne peut pas faire une donation-partage de biens dont on n'est pas encore propriétaire.

Il y a quand même une chose à éviter (mais ce n'est pas interdit) : c'est de prévoir que le donateur conservera un usufruit sur une somme d'argent, ce qui revient en pratique à ce que le bénéficiaire ne touche rien avant la mort du donateur. Prévoir une telle clause prive la donation-partage de l'un de ses avantages essentiels, parce que le règlement de la succession se fera en évaluant les biens donnés au jour du décès du donateur, et non au jour de la donation-partage (C. civ. art. 1078).

Combien donner par donation-partage ?

Le choix du volume de la donation-partage est évidemment à la discrétion du donateur. Mais deux écueils sont à éviter :

  • donner tous ses biens (encore que ce ne soit pas interdit). Celui qui donne tout son patrimoine se retrouve à la merci de ses enfants et, sauf cas exceptionnels il ne pourra pas récupérer ce qu'il a donné, même en cas de mésentente ou de difficultés financières. Il est donc prudent de ne pas trop donner. A tout le moins, il est conseillé de conserver l'usufruit de certains biens, par exemple son habitation (pour pouvoir continuer à y vivre), un portefeuille de titres (pour percevoir des dividendes), etc. ;
  • donner trop peu. Pour qu'une donation-partage soit vraiment intéressante, il faut donner une fraction significative de son patrimoine.
Tous les enfants doivent-ils participer à la donation-partage ?

Ce n'est pas obligatoire, mais c'est fortement conseillé : c'est seulement si tous les enfants ont participé à la donation-partage et accepté leurs lots que l'opération produira l'ensemble de ses conséquences favorables. Si un enfant a été omis, les biens donnés aux autres seront évalués au jour du décès du donateur, et non au jour de la donation-partage, pour vérifier que chacun a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve (C. civ. art. 1078). Il y a alors un risque accru de voir la donation-partage remise en cause au décès du donateur. A tout le moins, le donateur qui fait une donation-partage à certains seulement de ses enfants a tout intérêt à conserver suffisamment de biens pour que la réserve du ou des enfants écartés puisse être constituée à l'aide des biens de sa succession.

Conseil

Mieux vaut que tous les enfants du donateur participent à la donation-partage et que les attributions de chacun soient équivalentes, si ce n'est strictement égalitaires. S'il n'est pas possible de former des lots équilibrés, il est préférable de prévoir une soulte : celui qui a reçu plus indemnise ceux qui ont reçu moins, en leur versant une somme d'argent. Il est possible de prévoir que cette soulte ne sera payée qu'au décès du donateur.

Les parents peuvent-ils faire ensemble une donation-partage à leurs enfants ?

Oui, à condition d'avoir au moins deux enfants communs (dans ce sens, Rép. Cuq : AN 11-3-2008 p. 2135 no  12920). On parle alors de donation-partage conjonctive (C. civ. art. 1076-1 et C. civ.1077-2).

L'avantage de la donation-partage conjonctive effectuée au profit des enfants communs du couple est sa souplesse : elle peut porter à la fois sur des biens communs et sur des biens propres à chacun des époux, sans considération de leur origine. Prenons par exemple monsieur et madame Lenoir, chacun propriétaire d'une maison et voulant faire une donation-partage de ces deux maisons à leurs deux enfants. Une donation-partage classique ne serait pas possible, chaque époux ne pouvant donner à chaque enfant que la moitié indivise de sa maison (ce n'est pas un partage). Avec la donation-partage conjonctive, le problème est résolu : chaque époux est censé donner la moitié de ses biens à chaque enfant, mais le partage se fait sans considération de l'origine paternelle ou maternelle des biens. Dans notre exemple, les enfants Lenoir vont récupérer chacun une maison. Les droits de donation sont calculés (abattements et tarifs) distinctement sur les biens donnés par chaque époux à chaque enfant. Si des biens communs sont donnés, chacun des époux est réputé en transmettre la moitié.

L'existence d'un ou plusieurs enfants d'un autre lit de l'un et/ou l'autre des époux n'est pas un obstacle à la réalisation d'une donation-partage conjonctive, mais l'opération présente quelques particularités. Chaque époux ne peut donner qu'à ses propres enfants (avec le consentement de son conjoint, s'il donne des biens communs à des enfants non communs) et les enfants non communs ne doivent pas recevoir de biens propres de leur beau-père ou belle-mère. En reprenant l'exemple de monsieur et madame Lenoir et en supposant que madame Lenoir ait eu un enfant d'une précédente union, cet enfant ne pourrait pas recevoir la maison appartenant à monsieur Lenoir. La liquidation des droits est avantageuse car les biens communs donnés par un époux (avec le consentement de l'autre) à un enfant non commun sont soumis pour le tout au tarif applicable entre un parent et son enfant et non seulement pour moitié (CGI art. 778 bis) mais après application d'un seul abattement (BOI-ENR-DMTG-20-20-10 no  140).

Que se passera-t-il au décès de l'auteur de la donation-partage ?

Les biens que le donateur laissera dans sa succession seront partagés entre ses héritiers.

Quant aux biens qui ont fait l'objet de la donation-partage, ils n'auront pas à être ajoutés à la succession pour vérifier si l'égalité entre les enfants a été respectée : une donation-partage aux enfants n'est jamais rapportable à la succession de son auteur.

Il faudra bien sûr vérifier que chacun des enfants a reçu la part minimale que la loi lui réserve. Mais en pratique, il est rare que cette vérification aboutisse à une remise en cause de la donation-partage, du moins pas si la donation-partage a été relativement égalitaire et a porté sur une fraction significative du patrimoine du donateur. Les biens compris dans la donation-partage sont en effet définitivement évalués au jour de la donation-partage (et non au jour du décès) si les conditions suivantes sont réunies (C. civ. art. 1078) :

  • tous les enfants ont reçu un lot dans la donation-partage et l'ont accepté ;
  • aucune clause de la donation-partage n'a prévu de réserve d'usufruit sur une somme d'argent.

Reprenons le 2e  exemple de monsieur Aubert (no 29462) mais en supposant que la donation de 50 000 € aux enfants a été faite par donation-partage.

Au décès de monsieur Aubert, il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que chaque enfant a fait avec ses 50 000 € :

  • parce qu'une donation-partage à un enfant n'est jamais rapportable, il n'y a pas à ajouter aux biens laissés la valeur actuelle de ce qui a été donné à Brigitte et à Charles ;
  • pour vérifier que Brigitte et Charles reçoivent bien la part minimale de succession à laquelle ils ont droit (soit 1/3 chacun), la donation qu'ils ont reçue est définitivement évaluée à 50 000 €. Comme ils ont reçu la même somme, il n'y a aucun problème.

En définitive, le partage de la succession se borne à celui des 300 000 € laissés par monsieur Aubert, soit 150 000 € pour chaque enfant.

Faire une donation-partage transgénérationnelle

Les grands-parents ont la possibilité de faire une donation-partage, qualifiée de transgénérationnelle, associant enfants et petits-enfants du vivant même des enfants (C. civ. art. 1078-4).

Seule condition requise : les enfants doivent consentir dans l'acte de donation-partage à ce que leurs propres enfants bénéficient de la donation-partage à leur place, que ce soit totalement ou en partie seulement.

Une grande liberté est laissée aux grands-parents : la donation-partage peut bénéficier à tous les enfants et petits-enfants ou seulement à certains d'entre eux. Par exemple, un ascendant peut effectuer une donation-partage au profit de ses deux filles et des enfants de son fils (avec le consentement de ce dernier). Si le donateur n'a qu'un enfant, il peut effectuer la donation-partage au profit de son enfant et de ses petits-enfants ou au profit uniquement de ses petits-enfants.

Le calcul des droits de donation est effectué en fonction du lien de parenté entre le donateur et les différents bénéficiaires (CGI art. 784 B). Par exemple, si l'ascendant effectue une donation-partage au profit de son fils et de ses deux petits-fils, les droits dus sur la part reçue par chaque petit-fils seront calculés après abattement applicable aux donations faites par les grands-parents à leurs petits-enfants, seule la part du fils bénéficiant de l'abattement plus élevé spécifique aux donations entre parents et enfants.

Au décès du donateur

Les biens de la succession de l'ascendant donateur sont partagés entre ses enfants (et éventuellement son conjoint survivant) selon les règles que nous avons vues au début de ce dossier.

Quant aux biens qui ont fait l'objet de la donation-partage, ils n'auront pas à être ajoutés à la succession pour vérifier si l'égalité entre les enfants a été respectée.

Pour vérifier que chaque enfant a bien reçu la part minimale que la loi lui réserve, on tiendra compte de ce que ses propres enfants ont reçu avec son consentement. Et pour évaluer les biens compris dans la donation-partage, on se placera à la date de la donation-partage (et non au jour du décès) si les conditions suivantes sont réunies :

  • tous les enfants ont reçu un lot dans la donation-partage ou ont consenti à ce que leurs propres enfants en bénéficient à leur place ;
  • aucune clause de la donation-partage n'a prévu de réserve d'usufruit sur une somme d'argent.

Soit un ascendant ayant deux enfants, Arthur et Camille. Chacun des enfants a lui-même deux enfants. L'ascendant effectue la donation-partage au profit d'Arthur et des deux enfants de Camille (Cerise et Cannelle), avec le consentement de cette dernière.

Arthur reçoit un appartement d'une valeur de 400 000 €.

Cerise et Cannelle reçoivent chacune un studio d'une valeur de 200 000 €.

A son décès, l'ascendant laisse des biens pour 400 000 €.

Chaque enfant ayant donné son consentement à la donation-partage et en l'absence de clause de réserve d'usufruit sur une somme d'argent, les biens donnés sont évalués au jour de l'acte.

Masse de calcul de la réserve des enfants : 400 000 € (biens existants au décès) + 400 000 € (lot d'Arthur) + 200 000 € (lot de Cerise) + 200 000 € (lot de Cannelle) = 1 200 000 €.

La réserve est de 1 200 000 € × 2/3 = 800 000 €, soit 400 000 € pour chaque enfant.

Le bien donné à Arthur (400 000 €) s'impute sur sa part de réserve (400 000 €). De la même façon, les biens donnés à Cerise et Cannelle (400 000 €) s'imputent sur la part de réserve de leur mère, Camille (400 000 €).

Les biens existants sont partagés par moitié entre les deux enfants Arthur et Camille, soit 200 000 € à chacun.

Au décès de l'enfant qui a laissé sa place

Lors du décès de l'enfant qui a consenti à ce que ses propres enfants bénéficient à sa place de la donation-partage, et à condition que tous ses enfants sans exception aient bénéficié de cette donation-partage, sa succession sera réglée comme si c'était lui qui avait consenti la donation-partage (C. civ. art. 1078-9). Les biens qui en ont fait l'objet n'auront pas à être ajoutés à sa succession pour vérifier si l'égalité entre ses enfants a été respectée. Et pour vérifier que chacun de ses enfants a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve, les biens donnés seront évalués au jour de la donation-partage (et non au jour du décès) s'il n'a pas été prévu de réserve d'usufruit sur une somme d'argent.

Si tous les petits-enfants n'ont pas reçu quelque chose dans la donation-partage, tout se passera comme si les biens leur avaient été donnés par une donation ordinaire de leur père ou mère. Les biens qui ont fait l'objet de la donation-partage devront être ajoutés à la succession pour vérifier si l'égalité entre les enfants a été respectée. Et pour vérifier que chaque enfant a bien reçu la part minimale de succession que la loi lui réserve, les biens donnés seront évalués au jour du décès, et non au jour de la donation-partage.

Il existe quand même un moyen de « sauver » une donation-partage à laquelle tous les petits-enfants (au sein d'une même fratrie) n'ont pas participé : l'enfant peut incorporer la donation-partage dans une nouvelle donation-partage qu'il consent lui-même à tous ses propres enfants.

Reprise de l'exemple précédent. Au décès de Camille, ses filles ne devront pas rapporter à sa succession les studios dont elles ont été gratifiées et les valeurs retenues lors de la donation-partage seront reprises pour vérifier qu'elles ont bien reçu la part minimale de succession que la loi leur réserve. Comme elles ont toutes deux reçu la même chose, le règlement de la succession se bornera au partage par moitié entre elles des biens laissés par leur mère à son décès.

Même exemple mais Camille avait un troisième enfant, Charles, qui n'a rien reçu lors de la donation-partage initiale. On suppose que Camille laisse 200 000 € de biens à son décès.

Charles n'ayant pas participé à la donation-partage, Cerise et Cannelle doivent rapporter à la succession de leur mère la valeur des studios qu'elles ont reçus (cas particulier où elles renonceraient à la succession : voir no 30015).

Masse à partager entre les trois enfants (on suppose que la valeur des appartements s'est accrue de 30 % depuis la donation-partage) : 200 000 € (biens existants) + 260 000 € (lot de Cerise) + 260 000 € (lot de Cannelle) = 720 000 €, soit 240 000 € devant revenir à chaque enfant.

Charles prend l'intégralité des biens laissés par sa mère (200 000 €).

Cerise et Cannelle qui sont censées avoir déjà reçu 260 000 € devront chacune à Charles une indemnité de rapport de 20 000 €.

En définitive, chaque enfant aura bien reçu 240 000 €.


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